L’évolution particulière de sapiens en comparaison avec son cousin le chimpanzé

Par Alain Prochiantz de l’Académie des sciences, dans le cadre du colloque Naissance, émergence et manifestations de la conscience (2/6)
Alain PROCHIANTZ
Avec Alain PROCHIANTZ
Membre de l'Académie des sciences

« Regard sur l’homme contemporain », session de colloques interdisciplinaires, poursuit sa réflexion autour de la naissance, l’émergence et la manifestation de la conscience sous ses aspects physique, neurobiologique, anthropologique et paléontologique. Canal Académie retransmet les interventions du 5 décembre 2012 et vous propose de retrouver ici la communication d’Alain Prochiantz professeur au Collège de France, membre de l’Académie des sciences, autour de l’évolution de notre cortex en comparaison avec celui de notre cousin le chimpanzé.

La différence entre le cerveau d’une souris et le cerveau humain n’est pas qu’une question de taille.
En effet, les compartiments dévolus à des fonctions cognitives en particulier les fonctions linguistiques et les fonctions qui sont dans le cortex préfrontal sont très grandes chez l’homme. Nous avons augmenté la taille de notre cerveau et nous avons déplacé les frontières : nous accordons plus d’importance à la cognition qu’à la vision ou à l’olfaction. Dans un appartement, vous pouvez augmenter la taille de la cuisine et réduire la taille du salon. Il en va de même pour le cerveau de sapiens.
Mais sapiens est sorti de la linéarité avec les hominidés. Si l'homme était semblable aux chimpanzés, son cerveau ne devrait être que de 500 cm3 seulement, au lieu de 900 cm3 ! Voilà un cortex qui nous coûte cher en énergie, mais qui grâce à lui nous permet de rédiger des traités sur les singes (et non l'inverse...).

Alain Prochiantz développe au cours de sa conférence nos ressemblances et nos différences avec le chimpanzé : « Nous possédons les mêmes gènes qu'eux, mais ce qui change considérablement la donne, c’est le moment où ils s’expriment, le niveau auxquels ils s’expriment et le temps pendant lequel ils s’expriment. Ce sont des régions régulatrices qui font qu’il y a eu une « sortie de la nature » de sapiens. Nous sommes a-natures par nature avec nos 400 cm3 de « trop ». »

Deux types de gènes apparaissent chez homo sapiens : « ceux qui sont impliqués dans le fonctionnement synaptique et ceux qui règlent le bloc métabolique. Sapiens a un métabolisme énergétique unique dans toutes les espèces vivantes. C’est vrai pour le cerveau mais aussi pour tout le reste du corps. Nous sommes les seuls êtres à pouvoir courir un marathon par 40°C. Nos ancêtres dans les savanes primitives, auraient pu rattraper une antilope à la course, pas dans l’instantané mais en courant suffisamment longtemps pour que l’antilope soit épuisée ».
Ce système unique explique comment alimenter ces 900 cm3. Pour rappel, notre cerveau qui représente 2% du poids de notre corps utilise 20% de notre énergie quotidienne.

En conséquence, apprendre à cuire les aliments, à faire la cuisine, a été très important dans notre évolution. Si nous ne mangions que des aliments crus nous devrions manger 10 heures par jour. Ainsi cuits, les aliments sont plus facilement digérés et nous permettent de cumuler de l’énergie sans y passer plus de 1 ou 2 heure (s) par jour.
Ce sont les cellules gliales qui véhiculent l’énergie dans notre cerveau. Sans ces cellules, pas de capacité d’apprentissage. Si chez les singes le rapport entre les glies et les neurones sont équilibrés, chez homo sapiens les glies sont en quantité plus importantes.

Écoutez l’intervention d’Alain Prochiantz pour en savoir plus.

Alain Prochiantz est neurobiologiste, morphogénéticien, membre de l’Académie des sciences, professeur au Collège de France.

En savoir plus :

Écoutez la suite du colloque :
- Bérénice Tournafond et Jean Baechler "La conscience, point de vue d’un anthropologue"
- Philippe Guillemant La conscience, vue par un physicien
- Henry de Lumley
- Pierre Buser
- Claude Debru

Consultez le site www.hommecontemporain.org pour retrouver les dates des prochains colloques.

Consultez les précédents colloques « Un regard sur l'Homme contemporain à travers la science, la morale et la politique » sur le site de Canal Académie :

- L’impact des émotions dans la société et la politique, par Jean Baechler, de l’Académie des sciences morales et politiques (1/3)
- Le traitement de troubles émotionnels par la neurologie (3/3)
- Cerveau, émotions et vie sociale (2/3)

- L’influence de la spiritualité dans le comportement humain. Colloque Regard sur l’homme contemporain (1/3)
- Morale et communication : les fondements de la société humaine ? Colloque Regard sur l’homme contemporain (2/3)
- Agir et ressentir. Colloque Regard sur l’homme contemporain (3/3)

- La place de la politique dans les médias et la société (1/4)
- Monique Canto-Sperber et Philippe Lauvaux : la politique et la morale (2/4)
- Altruisme, politique et comportement de l’homme contemporain (3/4)
- Les émotions en politique et l’éthique en finance (4/4)

- Retrouvez l'ensemble de nos émissions en compagnie d'Alain Prochiantz.
- Alain Prochiantz, membre de l'Académie des sciences

Alain Prochiantz, Qu'est-ce que le vivant ?, Éditions du Seuil, 2012

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