Compléments alimentaires : miracle ou arnaque ?

Avec Robert Anton, membre de l’Académie de pharmacie

Les compléments alimentaires vous promettent de brûler vos graisses, de préparer votre peau au soleil ou encore de lutter contre le stress... Quelle est la part de rêve et de réalité ? Sommes-nous certains des effets positifs sur notre santé ? Réponses en compagnie de Robert Anton, expert en plantes médicinales, membre de l’Académie de pharmacie.

_ Les compléments alimentaires se trouvent aussi bien en supermarché qu’en pharmacie, parapharmacie et boutiques bio, ce qui entretient la confusion d’un quelconque effet médicamenteux.
Dans le décret de 1996, les compléments alimentaires étaient décrits comme devant « pallier une insuffisance réelle journalière ». En 2006, le décret fut modifié et devint : « un complément alimentaire correspond à toute denrée alimentaire, source concentrée de nutriments ayant un effet nutritif et/ ou physiologique sur le consommateur ».

Ces compléments peuvent donc comprendre de nombreux produits :
- des aliments classiques (extrait de carotte)
- des nutriments : vitamines et minéraux (vitamine C, calcium...)
- des plantes et préparation de plantes comme le fenouil, en excluant les plantes dont l’usage est strictement médicamenteux ;
- tous les produits à but nutritionnel ou physiologique (protéines, acides gras, anti-oxydants) .

Si les Américains furent les premiers à se convertir aux compléments alimentaires, les Français suivent depuis peu : nous sommes en moyenne 1/5 à en consommer régulièrement.
Parmi les effets souhaités : mincir, lutter contre la fatigue, soulager les effets de la ménopause, préparer la peau au soleil ou éviter la chute des cheveux…

Complément alimentaires : miracle ou arnaque ?

Pour les scientifiques, ces pilules ont une place limitée dans la prévention d'affections chroniques (maladies cardio-vasculaires, cancers), mais ont tout de même un rôle à jouer.

Parmi les effets positifs reconnus par la communauté scientifique :

- L’AFSSA, Agence française de sécurité sanitaire des aliments, fait très rare, a reconnu l’utilité de la canneberge pour « diminuer la fixation de certaines bactéries Escherichia coli sur les parois des voies urinaires, prévenir les cystites à répétition, notamment chez les femmes ».
- l’AFSSA a également reconnu des effets positifs de la lutéine contribuant à protéger la rétine et le cristallin de l'oxydation.

Fleur de canneberge

Un apport élevé de lutéine (essentiellement dans les légumes jaunes) permet de réduire de 70% les risques d’apparition de dégénérescence maculaire liée à l’âge

Les autres compléments sont du ressort du confort, du bien-être, plus que de la prévention de maladies :
- Pour le manque d'appétit : absinthe, bigaradier, centaurée, gentiane, ményanthe.
- Amélioration du confort digestif : achillée, angélique, anis vert, aspérule, badiane, camomille romaine, carvi, coriandre, cumin, fenouil, gaillet, matricaire, mélisse, menthe, verveine.
- Amélioration du transit gastro-intestinal : plantes à fibres, mucilages (mauve, guimauve, graines de lin), gommes (gomme de sterculia, gomme de guar).
- Augmentation de l'effet drainant (en appoint des régimes amincissants) : certaines plantes à flavonoïdes (artichaut, bouleau, frêne, griottier, piloselle, sureau noir, tilleul), des plantes à terpénoïdes (chicorée, fenouil, baie de genièvre, orthosiphon), pissenlit.
- Amélioration du confort circulatoire (notamment pour les jambes lourdes) : plantes à flavonoïdes (benoîte, bistorte, hamamélis, noisetier, potentille, ronce, salicaire), à anthocyanes (cassis, myrtille, vigne rouge), à coumarines (mélilot), à saponosides (marronnier d'Inde), à tanins.
- Tonique et stimulant contre la fatigue : cannelle, églantier, éleuthérocoque, ginseng, kolatier, maté, guarana, thé.
- Troubles associés à la ménopause : soja (soumis à un groupe d'experts pour une évaluation dont les résultats sont attendus à l'automne).

La dangerosité de certains compléments alimentaires

Mais tout ce qui est naturel n'est pas forcément bon.

Exemple avec le séneçon. Même utilisée en quantité faible lors d'hémorragie utérine, cette petite plante que l'on trouve en prairie, provoque des lésions hépatiques irréversibles.
De même, avec la germandrée (qui appartient à la famille du thym, romarin...) utilisée en cas de douleurs abdominales. Retirée du marché en France, elle reste cependant commercialisée au Canada.
Quant au kava-kava, racine consommée par les habitants de la Polynésie, elle peut se révéler également toxique pour le foie. Ces gélules, considérées comme traitement valable contre l'anxiété et les insomnies en Europe, ont toutefois été retirées du marché français.

Bien qu’encore vendu sur Internet pour combattre les effets du stress, le kava-kava peut provoquer de graves atteintes au foie

Une loi d’harmonisation européenne ?

Actuellement, avec la libre circulation des produits au sein de l'Union européenne, des gélules provenant de Belgique ou d'Italie, peuvent atterrir sur le marché français alors qu’elles sont interdites sur ce territoire.
Ainsi, le rôle du groupe de travail du Conseil de l’Europe sur les Compléments alimentaires auquel appartient Robert Anton, consiste à harmoniser les autorisations et les interdications de mise sur le marché de ce type de produits ; un travail long et fastidieux, pour mettre d'accord les 27 pays de l'Union, ainsi que pour actualiser régulièrement la liste des nouveaux compléments.

Écoutez sans plus tarder les explications détaillées du professeur en pharmacologie Robert Anton, pour tout savoir sur ces pilules que vous avalez !

Robert Anton

Robert Anton, est professeur à la faculté de pharmacie de Strasbourg, expert en plantes médicinales et Président du Groupe de travail ad hoc Compléments alimentaires du Conseil de l’Europe. Robert Anton est membre de l'Académie nationale de pharmacie.

En savoir plus sur :
- L'AFSSA, Agence française de sécurité sanitaire des aliments
- l'EFSA, European Food Safety Authority (site en anglais)
- Le Conseil de l'Europe
- L'Académie nationale de pharmacie

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