Geneviève de Galard, une femme dans l’enfer de Dien Bien Phu

Un parcours où courage et dévouement sont les maîtres mots
Avec Laëtitia de Witt
journaliste

Geneviève de Galard, ancienne convoyeuse de l’air, raconte ici comment, prise dans le piège de Dien Bien Phu, elle partagea le quotidien et les souffrances de 15 000 soldats pendant près de deux mois. Comment dans l’enfer des combats, elle devint leur rayon de soleil en incarnant pour eux l’infirmière, l’épouse, la confidente...

Émission proposée par : Laëtitia de Witt
Référence : par311
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En 1953, Geneviève de Galard, fille de la bonne aristocratie du Sud-Ouest, intègre le corps très restreint des convoyeuses de l’air : une trentaine d’infirmières volantes chargées de soigner les blessés lors des évacuations aériennes. Dès 1953, leur principal lieu d’intervention est l’Indochine. En janvier 1954, Geneviève rejoint Hanoi au Tonkin. Face à l’évolution de la situation, deux convoyeuses sont désignées chaque jour pour se rendre au camp retranché de Dien Bien Phu et évacuer les blessés. Au même moment se tient la conférence de Berlin. Elle se solde par l’annonce d’une prochaine conférence sur la paix prévue à Genève en mai. C’est alors que la Chine décide d’apporter une aide massive au Vietminh afin de renforcer sa position lors de la prochaine conférence. Les données du combat changent du tout au tout, l’artillerie vietminh ne laisse que peu de chance au camp retranché. Le 13 mars, le Vietminh mène une attaque terrible sur Dien Bien Phu. La piste est endommagée, et le Vietminh encercle le camp. Les évacuations vont-elles se poursuivre et dans quelles conditions ? Le 17 mars un premier avion décolle d’Hanoi. Il arrive à se poser mais le Vietminh tire dès que commence le chargement. L’avion redécolle sans avoir pu charger les évacués. Désormais les évacuations se feront de nuit dans des conditions de plus en plus périlleuses. Geneviève de Galard doit assurer le vol de la nuit du 26 au 27 mars. Son avion décolle mais, sous les feux des tirs, il est obligé de repartir sans blessés. Sa déception est grande. Elle demande alors à faire partie du prochain départ. C’est là que son destin bascule. Arrivé à Dien Bien Phu à 4 heures du matin, son avion, endommagé, ne repartira jamais. A 29 ans, Geneviève se retrouve prisonnière, la seule femme à partager le sort des 15 000 soldats de l’armée française pris dans la nasse de cette sinistre cuvette.
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Affectée à l’antenne médicale centrale, Geneviève de Galard a en charge les blessés graves à leur sortie de la salle de réanimation. Certains forcent son admiration comme ce jeune légionnaire triple amputé qui trouve encore le moyen de plaisanter. Pour eux tous, Geneviève est un peu la mère, un peu la sœur, un peu l’amie, sa seule présence rend moins inhumain cet enfer de feu, de boue et de sang. Sa place, elle ne la céderait à personne. La peur ? Pas le temps ! L’angoisse de la mort ? Sa foi chrétienne la protège. La citation accompagnant la Légion d’Honneur et la Croix de guerre, qui lui sont remises fin avril par le général de Castries qui commande le camp retranché, insiste « A suscité l’admiration de tous par son courage tranquille et son dévouement souriant ».

Après la chute du camp, le 7 mai 1954, elle restera près de trois semaines à soigner les blessés, démunie de tout, de pansements, de médicaments, avant d’être libérée. A sa descente d’avion à Hanoï, les flashs crépitent. Geneviève de Galard, devenue en quelques semaines star d’une guerre mal-aimée, jouit en France d’une incroyable popularité. Elle sera même accueillie deux mois plus tard comme une héroïne par le président des Etats-Unis, le Général Eisenhower, applaudie au Congrès américain, fêtée sur Broadway au cours d’une parade triomphale suivie par 250 000 New-Yorkais. "Vous ne pouvez plus vous permettre d’être une femme comme les autres ", lui écrit Hélie de Saint Marc après Diên Biên Phu. Il ne faudra pas longtemps à Geneviève pour comprendre qu’elle peut vivre cette haute exigence dans les actes les plus simples de la vie. Voilà pourquoi elle reprend ses convoyages en Algérie et en Indochine. Après la fin de son contrat avec l’Armée de l’Air, elle poursuit son métier d’infirmière auprès de grands invalides de guerre. Son mariage avec le capitaine Jean de Heaulme, un lointain cousin rencontré en Indochine dont elle aura trois enfants, lui permet de partager ce passé ancré au plus profond d’elle.

Geneviève de Galard, digne dame restée muette tant d'années malgré de multiples sollicitations alléchantes, fait parler ses souvenirs, rappelant les visages oubliés, le quotidien de la guerre, la perdition d'une garnison condamnée mais obstinée de courage et de sacrifices. Ce parcours respire le don de soi.

Pour en savoir plus :
- Geneviève de Galard, Une femme à Dien Bien Phu, Paris, Les Arènes, 2003.
- [Allocution de Monsieur Henri Amouroux pour la remise du Grand Prix
de l'Aadémie à Madame Geneviève de Galard de Heaulme.->http://www.asmp.fr/prix_fondations/grand_prix_aca_2004.htm]

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