L’architecte Jacques Rougerie de l’Académie des beaux-arts, reçu sous la Coupole

Retransmission de l’intégralité de cette cérémonie : "Accostage Quai Conti"
Avec Marianne Durand-Lacaze
journaliste

L’architecte Jacques Rougerie a été reçu par l’académicien Roger Taillibert sous la Coupole de l’Institut de France, le 3 juin 2009, pour son installation au sein de l’Académie des beaux-arts. Si Jacques Rougerie a la mer et l’architecture en double héritage et en égale passion, c’est pour allier dans son œuvre, imaginaire et réalité, prospective et construction, sans jamais oublier les hommes et surtout leurs rêves. Canal Académie vous propose d’écouter la retransmission de l’intégralité de cette cérémonie.

Émission proposée par : Marianne Durand-Lacaze
Référence : cou521
Télécharger l’émission (49.17 Mo)

Vous entendrez dans cette émission, Roger Taillibert et Jacques Rougerie prononcer leur discours : l'un pour accueillir son nouveau confrère, l'autre en hommage à son prédécesseur disparu, André Wogenscky (1916-2004).

À la suite de son installation sous la Coupole, Jacques Rougerie s'est vu remettre son épée d'académicien. Dans une autre émission, vous pouvez écouter sur Canal Académie cette cérémonie brève et éclatante, qui s'est déroulée le jour même, à l'entrée de la Coupole, dans la cour d'honneur de l'Institut de France, devant les académiciens, le comité d'honneur de l'épée de Jacques Rougerie et les invités. Dessinée par ses soins, sculptée par Manuel Sauvage, l'épée lui fut remise par le ministre Jean-Louis Borloo, ministre d'État, Ministre de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de l'Aménagement du Territoire, président du Comité d'Honneur pour l'épée de Jacques Rougerie, dont le président d'honneur est S.A.S. le Prince Albert de Monaco. Le ministre Jean-Louis Borloo va lancer très prochainement les premières Journées de la Mer, pour faire découvrir la richesse des océans et sensibiliser le public à l'espace marin trop longtemps négligé.

À propos de l'habit vert et de l'épée, Jacques Rougerie s'est interrogé au début de son discours sous la Coupole : «Le rebelle a rendu les armes, mais il a gardé l'épée. Peut-être pour se défendre un jour d'en avoir accepté les honneurs ?»

L'usage, à l'Académie des beaux-arts veut que le nouvel élu soit accueilli par un discours d'installation, prononcé par un confrère de la compagnie. En réponse, le nouvel académicien fait part de l'honneur d'avoir été élu quelques mois plus tôt, et choisi pour être membre. Il fait l'éloge de l'académicien disparu dont il occupe, selon la terminologie consacrée, le fauteuil.

Le ministre Jean-Louis Borloo et Jacques Rougerie, cérémonie de remise d’épée d’académicien, 3 juin 2009, Cour d’honneur de l’Institut de France
© Canal Académie

Dessin de l’épée d’académicien de l’architecte Jacques Rougerie de l’Académie des beaux-arts

Le 25 juin 2008, Jacques Rougerie a été élu membre de la section d'architecture de l'Académie des beaux-arts, au fauteuil d'André Wogenscky. Presqu'un an plus tard, il est "solennellement installé" par Roger Taillibert lors de cette séance sous la Coupole. La section d'architecture comprend 7 membres depuis juin dernier : Paul Andreu, Yves Boiret, Michel Folliasson, Claude Parent, Roger Taillibert, Aymeric Zublena.

Installation de Jacques Rougerie au sein de l’Académie des beaux-arts, sous la Coupole de l’Institut de France, 3 juin 2009
© Canal Académie

Dans son discours, l'architecte du Parc des Princes, Roger Taillibert, a retracé le parcours de Jacques Rougerie dont l'élection au sein de l'Académie des beaux-arts, symbolise une architecture visionnaire ouverte sur le monde de la mer et de l'espace. Jacques Rougerie naît en 1945, d'une mère professeure de mathématiques et d'un père biogéographe, compagnon de Théodore Monod. Il entre à l'École des beaux-arts en 1964 dans l'ancien atelier Auguste Perret dirigé par André Remondet et Paul Maymont. Passionné d'aventures marines, de Jules Verne et des travaux du commandant Cousteau depuis l'enfance, il s'oriente dans sa jeunesse, dans des études d'océanographie, à Paris en 1970, tout en gardant à l'esprit l'architecture. D'autres diplômes, font de lui, un urbaniste, un architecte, un ethno-sociologue des peuples de la mer. Architecte DPLG en 1972, il fonde son agence Architectes associés Jacques Rougerie et se consacre aussitôt à des projets et des réalisations liés au monde de la mer. Dès 1974, dans le contexte d'une époque familière des utopies et de la prospective, il crée le Centre d'architecture de la mer et de l'espace : cela fait à peine 5 ans que l'homme a fait ses premiers pas sur la lune.

L’architecte Roger Taillibert membre de l’Insitut, Coupole de l’Institut de France, 3 juin 2009
© Canal Académie

L'académicien Roger Taillibert a accueilli au sein de l'Académie des beaux-arts, le premier "mérien" architecte, un mot cher à Jacques Rougerie qui s'est présenté, dès ses premiers mots, dans son discours de remerciements et d'hommage, comme un "mammifère marin". Jacques Rougerie a-t-il accosté quai Conti pour trouver : «Quelque grotte sous-marine, une lumière quasi surnaturelle d’aquarium et, sur des gradins en demi-cercle, quarante sirènes à queues vertes et à voix mélodieuses ?». Peut-on y voir un écho marin à Jean Cocteau qui comparait l'Institut à la coque d'un vieux navire, magie des mots du poète Jean Cocteau de l'Académie française, qui les prononça en 1955 lors de sa réception sous la Coupole.

Roger Taillibert a évoqué les principales réalisations architecturales de Jacques Rougerie, toutes inspirées de bionique marine.

Villages sous-marins, Jacques Rougerie architecte

Son premier projet de «Village sous la mer» aux Îles vierges en 1973 aux États-Unis, conçu pour vivre et travailler sous la mer et Galathée, sa première maison sous-marine, réalisée en 1977, ont permis à Jacques Rougerie d'inscrire et de développer sa philosophie d'habiter la mer : Hippocampe, Aquabulles, Aqualab, habitats, refuges et laboratoire sous-marins sont ses créations et demeurent des structures tout à fait exceptionnelles.

Pavillon de la mer, Osaka (1981) avec Galathée (1977), maison sous-marine, exposée devant l’entrée de ce musée :  Jacques Rougerie architecte


Jacques Rougerie a bâti de nombreux musées et centres de la mer tels que le Pavillon de la mer d'Osaka (2 millions de visiteurs par an, pavillon phare de l'exposition internationale sur le devenir de l'homme et de la mer 1981), Océanopolis I et II à Brest (1989-2000), Nausica I et II à Boulogne-sur-mer (1991-2000, 1 million de visiteurs par an). En projet le Musée d'archéologie sous-marine d'Alexandrie dont il a remporté le concours international et dont les travaux débuteront en 2014. Des stades nautiques, des aquariums, des centres aquatiques...Tout ce qui touche l'eau, le littoral, navigue sur l'eau où dans les profondeurs océanes semble intéresser "l'architecte de la mer" Jacques Rougerie qui n'usurpe pas ce surnom.

Océanopolis Brest, jacques Rougerie architecte


Des citées océanes, des tours sur l'eau, des extensions urbaines sur la mer constituent les projets d'architecture du nouvel académicien qui ne s'interdit pas de construire des aérogares, des universités, des bureaux, des usines ou des tours sur la terre ferme : deux exemples parmi beaucoup d'autres l'Institut francilien d'ingénierie et l'aérogare de Nouméa.

Shell Tower, projet Jacques Rougerie architecte

- Le grand projet d'Urbanisation en mer de la Principauté de Monaco.
- La cité marine , City in the Ocean (Émirats Arabes Unis)
- Les terminaux aéroportuaires privés d'Embassair (Londres-New-York)
- La Tour Malley Star à énergie positive (Prilly-Lausanne, Suisse)
- La Shell Tower, en forme de coquillage.

Jacques Rougerie a semble-t-il l'aventure exploratoire scientifique chevillée au corps. Actuellement, il développe , Seaspacelab : un laboratoire sous-marin aux États-Unis. Il travaille sur la troisième génération de ses trimarans d'observation sous la mer, l'Aquaspace III qui pourra embarquer 45 personnes à son bord. Mais parmi ses vaisseaux dignes de l'imagination de Jules Verne, SeaOrbiter constitue le projet le plus innovant. D'une hauteur de 51 mètres et large de 28, cette plate-forme dérivante est un vaisseau vertical qui dérivera au gré des courants océaniques avec 18 scientifiques à bord.

SeaObiter, Vaisseau scientifique d’observation zone océanique, Jacques Rougerie architecte
Vaisseau vertical que Jacques Rougerie a symbolisé sur son épée d’académicien

Dans son discours, Jacques Rougerie évoqué «le grand fauteuil d’André Wogenscky», disciple de Le Corbusier dont il resta vingt ans le collaborateur. Il a ainsi travaillé sur le fameux projet de la cité radieuse en étant le bras droit de le Corbusier, puis sur le site de Chandigarh. André Wogenscky a conçu de nombreuses maisons mais s'est interrogé d'abord, sur le devenir d'architecte, sur l'action de l'architecture sur la pensée. Sa devise : Voir des hommes avant de s’autoriser à voir des formes architecturales, a été au cœur de ses réalisations : l'université des Arts de Takarazuka d'Osaka au Japon et le ministère de la Défense à Beyrouth, par exemple. André Wogenscky militait pour une «architecture active» comme en témoigne les livres qu'il a écrits. Pour Jacques Rougerie, l'architecte s'inscrit dans une évolution incessante. Il doit savoir l'infléchir sans la perturber, la modifier en se gardant de ne jamais l'altérer.

Extrait : Cette perception de l'architecture est à l'origine de mes premières démarches, lorsque j'engageais ce grand projet de connivence avec la mer. Pour Valéry,« un regard sur la mer, c'est un regard sur le possible». Alors j'ai regardé la mer, et j'ai rêvé des possibles...Des possibles pour un homme futur qui serait débarrassé de ses armes...À plusieurs reprises et des jours durant, j'ai eu le privilège de vivre sous la mer dans des maisons subaquatiques, entourés d'êtres exceptionnels. Nous tentions ensemble, d'appréhender le futur des hommes de la mer, ceux qu'on appellerait les «mériens». Prospective d'une civilisation nouvelle : «habiter la mer». Je suis persuadé que c'est de l'océan que naîtra le destin des civilisations à venir. Une architecture dénuée d'humanisme est une architecture vaine. André Wogenscky le savait.

Jacques Rougerie a rendu hommage à son maître l'architecte Paul Maymont, ainsi qu'à l'œuvre architecturale de Wogenscky, capable d'épurer le décor. Il a rappelé combien il avait, lui-même, partagé la passion de Wogensky pour Le Corbusier : celui qui a su refondre l'architecture en redéfinissant ses liens avec la société pour lui faire fendre de plein fouet la houle du monde contemporain. (extrait du discours)

L’académicien Jacques Rougerie entouré de ses confrères, 3 juin 2009, Cour d’honneur de l’Institut de France
© Canal Académie

Musée d’Alexandrie, projet de l’architecte Jacques Rougerie
Début de travaux, date prévue : 2010

City of the Ocean, Jacques Rougerie architecte

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