L’ISF du capitaine Haddock. Une chronique de François d’Orcival

de l’Académie des sciences morales et politiques
François d’ORCIVAL
Avec François d’ORCIVAL
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

La suppression du bouclier fiscal et celle de l’ISF suscitent beaucoup de remous en France et au sein du gouvernement. L’académicien journaliste François d’Orcival, éclaircit ici la fiscalité de notre pays en reprenant, au micro de Canal Académie, la chronique qu’il donne, le samedi, dans Le Figaro Magazine.

« Le bouclier fiscal a été mal compris », dit François Fillon. « Donc nous voulons mettre fin au défaut de l’ISF dont le bouclier était le remède imparfait. »

Le gouvernement aura ainsi commis une erreur initiale ; il ne faudrait pas qu’il en commette une seconde. L’erreur initiale date de l’été 2007: au lieu de supprimer franchement cet impôt parce qu’il est nuisible et fait fuir les capitaux, on a cherché à l’amender par le « bouclier fiscal » à 50%. La gauche en a aussitôt fait son cheval de bataille : les « cadeaux aux riches de Sarkozy ». La campagne n’eut pas été plus virulente si l’on avait renoncé à l’ISF. Qu’un député socialiste ait été placé à la présidence de la commission des Finances de l’Assemblée, qu’un autre l’ait été à celle de la Cour des comptes, n’a en rien fait baisser le ton…

Trois ans plus tard, la crise étant passée par là, le chef de l’Etat admet que cette bataille était perdue et décide donc la suppression du « bouclier fiscal » - en même temps que celle de l’ISF. Or le premier ministre ne parle plus que de mettre fin « au défaut » de l’ISF, ce qui sous-entend que l’ISF en soi n’est pas en cause. Le ministre du Budget, François Baroin, le confirme en disant que l’ISF a deux défauts : une « dynamique absurde » (à cause de la flambée des prix immobiliers) et un « barème absurde » (en raison d’un taux marginal excessif).

Ce raisonnement souffre d’une faille : ce n’est pas l’ISF qui a des défauts, mais l’impôt lui-même qui est absurde – et d’ailleurs c’est bien parce qu’il est antiéconomique que nos voisins l’ont supprimé ! Or si l’on considère qu’il peut être réformé, cela signifie qu’il doit, d’une manière ou d’une autre, continuer à fournir quelque 3 à 4 milliards de recettes fiscales (déduction faite du bouclier). D’où la complexité sans fin des « scénarios » proposés pour le rénover. Ce qui fait penser au sparadrap dont le capitaine Haddock ne parvient pas à se débarrasser – la gauche continuant de tambouriner sur les « cadeaux aux riches » et les capitaux de partir…
Nicolas Sarkozy souhaite que cette réforme permette de rapprocher notre fiscalité de celle des Allemands. Selon la Cour des comptes, nos impôts sur le patrimoine représentent 3,9% de notre Pib contre 1,9% en Allemagne : un écart de 2 points, soit près de 40 milliards d’euros ! Après tout, la suppression de l’ISF ne le réduirait que d’un dixième…

Le texte de cette chronique est paru dans Le Figaro Magazine du samedi 12 mars 2011. Elle est reprise ici par son auteur, avec l’aimable autorisation de l’hebdomadaire. Les propos de François d'Orcival n'engagent que lui-même, et non pas l'académie à laquelle il appartient ni l'Institut de France.

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