Sites et Monuments la revue qui défend le patrimoine monumental et paysager

avec Robert Werner, rédacteur en chef, Correspondant de l’Académie des beaux-arts
Robert WERNER
Avec Robert WERNER
Correspondant

Robert Werner, rédacteur en chef, correspondant de l’Académie des beaux-arts, présente ici la revue " Sites et Monuments " dont il est, avec Pierre Bénard, co-rédacteur en chef. Il évoque l’histoire de la revue, le contexte de sa création, l’origine de la Société pour la Protection des Paysages et de l’Esthétique de la France dont il est l’un des administrateurs, et dont c’est la publication.

Notre invité confie : " Comment ne pas se sentir impliqué quand il s'agit de défendre notre patrimoine ? Nous avons la chance d'avoir en France un patrimoine exceptionnel. Quand j'ai quitté TF1, où, après avoir été grand reporter, j'ai créé " l'Unité Patrimoine " dont je fus le rédacteur en chef, je me suis aussitôt intéressé à une ancienne revue, " Sites et Monuments ", que j'emportais au fil de mes reportages. Je savais qu'elle se faisait l'écho des multiples combats menés par la Société pour la Protection des Paysages et de l'Esthétique de la France en faveur de la préservation de la beauté de notre pays. Cette dernière est née en 1901 et eut pour premier président le poète et académicien français, Sully Prudhomme, qu'on ne lit pas assez, et qui fut pourtant lauréat du prix Nobel cette même année 1901.
Nous étions alors en pleine période d'industrialisation, et cette société - on appelait alors ainsi les différents mouvements associatifs en mars de la même année et jusqu'à octobre, où apparaît la loi sur les associations - s'était fixé comme but de protéger le patrimoine paysager certes, mais aussi les sites pittoresques ainsi que des demeures comprenant aussi bien des maisons de maître que de charmants ensembles autour des villes. C'étaient des villages avant de devenir, trop vite, des banlieues dont certaines, aujourd'hui, ne conservent plus rien de ce passé villageois, voire champêtre...

Photo du site du Lison, parue dans la revue "Sites et monuments"

Cette société voulait donc servir de rempart en quelque sorte aux implantations industrielles néfastes aux sites, et c'est ainsi qu'au début du 20e siècle, avec Charles Beauquier, député du Doubs et le nouveau président, elle va défendre vigoureusement un site magnifique : la source du Lison. L'élu intervient à la Chambre - c'est ainsi qu'on appelait alors l'Assemblée Nationale - dans un vibrant discours : " Epargnons le Lison s'exclame-t-il, mais épargnons aussi tous les Lison en France !..."
L'intervention fit grand bruit, la presse s'en fit l'écho, et le Lison fut sauvé.

C'était la préfiguration de futures lois et, pourquoi pas, d'un futur ministère de l'Ecologie. Le parlementaire et président de la SPPEF eut du succès au sein d'un public sensible à une France dont il voulait préserver les attraits, mais parmi les politiques, beaucoup se moquèrent de lui !
Il y eut, évidemment, par la suite, au cours des décennies, un grand nombre de combats menés par cette société de défense du patrimoine : des combats sur tous les fronts, et dans toute la France. Qu'il s'agisse de sauvegarder un quartier ancien, un ravissant petit château, l'harmonie d'un village ; mais aussi à Paris et dans les grandes villes, une vieille rue, des perspectives charmantes, un ancien cabaret ou des estaminets historiques... Récemment, nous nous sommes préoccupés du sort d'un château lorrain à Saulxures-sur-Moselotte, en piteux état. Auguste Thiers aimait s'y rendre, le général De Gaulle aussi... Or il menace ruine comme un autre château également en Lorraine, celui de Hombourg-Budange, qui, aux dernières nouvelles, devrait faire l'objet d'une heureuse restauration. Le sort du château de la Punta, au dessus d'Ajaccio, nous inquiète aussi. Son histoire est extraordinaire ! Il doit d'être là, à la volonté de deux membres de la famille Pozzo di Borgo qui furent autorisés à démonter un pavillon des Tuileries à Paris, incendiées sous la Commune. Ils en numérotèrent les pierres, les embarquèrent sur un train, puis sur un bateau à destination de l'Ile de Beauté où ils reconstruisirent ce pavillon, dû à l'architecte Bullant.
A Paris, on doit à la SPPEF d'avoir su conserver un certain nombre d'édifices intéressants à plus d'un titre, et notamment au rond-point des Champs Elysées : elle a eu moins de chance pour l'avenue Foch où de beaux hôtels particuliers ont cédé la place à des constructions sans grand intérêt architectural. Depuis plusieurs années, nous nous battons à travers nos articles dans "Sites et Monuments " contre les implantations abusives d'éoliennes. On a osé en installer à la pointe du Cap Corse, on en voit surgir à proximité immédiate de sites pourtant classés... Ainsi peut-on voir une gigantesque éolienne surgir entre les tours de la splendide cathédrale de Coutances qu'elle domine, hélas ! On en trouve non loin du château de Grignan si prisé par Madame de Sévigné, sur les crêtes de monts jusque là épargnés. Il est question d'en installer sur des sommets vosgiens, ou encore en covisibilité du Mont Saint-Michel... Autant d'aberrations combattues par la SPPEF, en pointe des associations qui luttent en faveur des paysages avec ses nombreux délégués en province, aux côtés d'associations locales.
" Sites et Monuments " se veut le reflet du travail fourni par la Société de Protection des Paysages et de l'Esthétique de la France : c'est la publication trimestrielle de cette institution. Nous comptons plusieurs milliers d'adhérents qui reçoivent la revue du fait de leur abonnement.
En cas de gros problèmes, et Dieu sait qu'il y en a, nous sommes reçus dans les différents ministères, ceux bien évidemment de l'Ecologie et de la Culture et de la Communication. La revue a l'ambition de s'intéresser à toutes les nouvelles du patrimoine. Ainsi, outre des articles de fond, on peut savoir ce qui se prépare, se fait où se défait, dans chaque arrondissement de Paris, dans toute l'Ile-de-France, et dans tous les départements et régions du pays. C'est la seule revue à se pencher de la sorte sur le patrimoine : son passé et son devenir...
Mon arrivée à l'Académie des beaux-arts, me demandez-vous ? Eh bien, j'y ai été élu correspondant, en 2004, dans la section Architecture. On m'y fait l'honneur de m'écouter - de temps à autre - évoquer le destin de l'ancien Collège des Bernardins par exemple, aujourd'hui magnifiquement restauré, ou bien le sort de l'Hôtel de la Marine qui fait tant parler de lui...

- Le site de la revue Sites et monuments
- Robert Werner, Correspondant de l'Académie des beaux-arts

Cela peut vous intéresser