Bernard Bourgeois : Oui Hegel est actuel, plus que tout autre et plus que jamais !

Une communication donnée à l’Académie des sciences morales et politiques lundi 7 novembre 2011
Bernard BOURGEOIS
Avec Bernard BOURGEOIS
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

Pas question pour le philosophe Bernard Bourgeois d’ériger à Hegel une statue mais plutôt de démontrer combien la pensée hégélienne reste au coeur des débats contemporains. Hegel est actuel, plus que jamais ! Il n’était pas seulement philosophe (et d’ailleurs il fut mal reçu parmi ceux-ci), il était "journaliste", soucieux de penser l’état du monde.

"Plus que tout autre penseur, Hegel demeure présent, du début du XIXe siècle à ces premières décennies du XXIe siècle, au coeur du débat, non seulement stricto sensu philosophant, mais plus largement culturel, presque partout, dans un lieu ou l’autre de l’Ancien monde et du Nouveau monde. Il y est présent exécré ou encensé, simultanément ou alternativement, suivant les vicissitudes d’une actualité mondaine à laquelle on le lie pour l’infirmer ou le confirmer. Cela, il faut le dire, à juste titre, puisque lui-même a lié intimement sa pensée, même en sa dimension transmondaine ou, pour employer le terme traditionnel, métaphysique, à cette actualité qu’il thématisa – après Aristote, mais à travers tout son champ sublunaire, c’est-à-dire historique – comme un nouvel objet philosophique, mieux : comme l’objet philosophique total. La philosophie ne peut pas ne pas être, même malgré elle, elle doit donc s’accomplir, en sa systématisation concrète pleinement assumée, comme le grand discours sur l’état du monde. Mais cette actualité, cet état du monde est à saisir d’abord, tout en ne s’y réduisant pas dans un aplatissement dispersant, dans l’immédiateté de sa présence, de son présent : au faîte de sa spéculation, après la publication en 1807 de la Phénoménologie de l’esprit, Hegel entre lui-même en journalisme et fait sa « prière du matin réaliste » – sans oublier l’autre – comme directeur, pendant plusieurs mois, de la Gazette de Bamberg. Il justifie de la sorte, par une telle théorie et pratique de la philosophie, qu’on pose, au sujet de celle-ci, la question de sa vérité, et de sa vérité proprement hégélienne, sous la forme objective, écartant le subjectivisme qu’il abhorrait, de son actualité.

... la seule et simple question de l’actualité de Hegel me paraît témoigner déjà de l’actualité même de la chose en question et elle m’engage alors sur la voie d’une réponse positive : oui Hegel est actuel, sans doute plus que tout autre et peut-être plus que jamais.

Bernard Bourgeois, de l’Académie des sciences morales et politiques
© Brigitte Eymann \/ Institut de France

Je voudrais d’abord proposer quelques considérations sur le sens de l’actualité et de son affirmation dans le cas de la pensée hégélienne. Ensuite établir la réalité de l’actualité de cette pensée en m’appuyant sur son texte le plus obvie. Enfin défendre sa possibilité privilégiée, pour ce qui, dans le présent, semble excéder le texte même de Hegel. – Je suis parfaitement conscient du risque ainsi croissant que je prends : celui, jamais éliminé, de mal lire un auteur si difficile, celui, plus grand encore, de ne plus le lire du tout en voulant hégélianiser strictement au-delà de lui, et celui, le plus grand de tous, que je n’aurais pas dû affronter en tentant de me prononcer sur l’état actuel du monde devant vous, chers Confrères, que vos sciences arment, en vue d’en discerner et maîtriser le sens réel, beaucoup mieux que le rhéteur que je suis... "

Dans cette émission, vous pouvez écouter l'intégralité de la communication donnée par Bernard Bourgeois et lire son texte sur le site www.asmp.fr

En voici la conclusion :

Mon intention n’a pas été d’ériger ici à Hegel la statue qu’il n’a pas eue à Paris et qu’il eût pu avoir dans notre Académie restaurée en 1832, où furent bien élus ses adversaires Schelling et Savigny, s’il n’était pas mort un an trop tôt. J’ai simplement dit pourquoi, plus et mieux que tout autre penseur, il aide puissamment à penser un présent du monde qui – bientôt deux siècles après lui et malgré l’extrême accélération par ailleurs de son développement – l’actualise encore en ses tendances essentielles, sans assez profiter de leurs fortifiantes justifications hégéliennes. Il n’y a pas pour nous un devoir d’hégélianiser, mais notre intérêt, si nous voulons nous y retrouver dans notre monde et que nous rencontrions Hegel, c’est de ne pas le congédier prématurément, mais de nous mettre à sa propre hauteur pour, grâce aussi à lui, aller plus loin que lui. Si nous le pouvons.
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