L’hiver arabe

Plus que jamais d’actualité... la chronique de François d’Orcival
François d’ORCIVAL
Avec François d’ORCIVAL
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

Cela ressemble à une vague. Elle a d’abord battu les terres tunisiennes, puis marocaines et maintenant égyptiennes. Cette vague électorale est issue de la succession de révoltes populaires qui ont emporté les régimes en place et de la réforme institutionnelle voulue par le roi du Maroc pour éviter une contagion. Organisées à la représentation proportionnelle, ces élections libres ont débouché sur des majorités d’élus qui, au nom du droit et de la justice, se revendiquent islamistes, Frères musulmans en Egypte et formations analogues ailleurs. Leur radicalisme varie d’un pays à l’autre, la plupart se réclamant du « modèle turc », comme si l’influence ottomane s’imposait à nouveau sur la rive sud de la Méditerranée.

Le « printemps arabe » était un mouvement jeune, plutôt laïc, à l’allure occidentalisée – d’où le lyrisme qui s’est alors emparé de nos sociétés médiatiques. Il produit des dirigeants qui se veulent des musulmans pratiquants, austères et rigoureux, adeptes de diverses Charia. Quelle est l’explication ? Les partis islamistes qui l’ont emporté avaient été exclus du pouvoir, ils s’étaient construits dans l’opposition, publique ou souterraine, grâce à leur action charitable auprès de populations exclues de l’enrichissement et du développement ; ils tirent le bénéfice de leur action passée. Appelés au pouvoir à Tunis, à Rabat, au Caire et peut-être demain à Tripoli ou à Damas, ceux-ci se transformeront-ils en ayatollah à l’iranienne ? Alors ce serait « l’hiver arabe », la glaciation. Mais il y a un monde entre le salafisme de certains et l’islam du parti majoritaire au Maroc.

Tous vont être confrontés à l’exercice du pouvoir, à la gestion de leur économie, à l’écart entre leurs promesses et la réalité. Ils seront jugés aux élections suivantes, à moins qu’ils ne captent le scrutin. Ils seront aussi jugés sur leur respect du droit des minorités, notamment chrétiennes.
Pouvait-on contester ce résultat ? Ils sont chez eux. Mais ces élections traduisent un réveil de l’identité islamique, y compris chez nous. 45% des Tunisiens résidant en France ont voté pour le même parti islamiste que leurs cousins de Tunisie. Ici, la naïveté est interdite – d’où la vigilance d’un Claude Guéant. Si nous ne pouvons rien – ou si peu - sur la loi qu’ils pratiquent chez eux, nous devons en revanche faire respecter notre droit chez nous.

Le texte de cette chronique est paru dans Le Figaro Magazine du samedi 10 décembre 2011. Elle est reprise ici par son auteur, avec l’aimable autorisation de l’hebdomadaire. Les propos de François d’Orcival n’engagent que lui-même, et non pas l’Académie à laquelle il appartient ni l’Institut de France.

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