L’étoile de l’honneur

Plus que jamais d’actualité... la chronique de François d’Orcival
François d’ORCIVAL
Avec François d’ORCIVAL
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

Dans la cour chargée de gloire des Invalides, le président de la République remet le grand cordon de Grand Croix de la Légion d’honneur à un soldat à béret vert courbé sous le poids des saisons. A travers Hélie de Saint Marc, ainsi décoré le 28 novembre par Nicolas Sarkozy, la République refermait les cicatrices laissées dans les armées par les tragédies de 1940, de l’Indochine et de l’Algérie. Elle leur rendait ce que le gouverneur militaire de Paris, le général Bruno Dary, a appelé ce jour-là « l’étoile de l’honneur ». Et pas seulement un hommage. Elle élevait à la plus haute dignité de la Légion d’honneur un soldat de 89 ans qui incarna entre sa vingtième et sa quarantième année les moments les plus douloureux de notre histoire : la déportation, l’humiliation, la prison.

Combattant de la Résistance à 20 ans, arrêté, déporté à Buchenwald, puis saint-cyrien, officier de légion, Hélie de Saint Marc aura fait trois séjours en Indochine, puis les campagnes de Suez et d’Algérie au 1er régiment étranger de parachutistes et c’est ce régiment (« Non, rien de rien, je ne regrette rien ») qu’il entraîne, au nom de la parole donnée, dans le putsch d’Alger. Le régiment est dissous et lui, avec ses treize citations au combat, condamné et incarcéré. Le déchirement. Où était Antigone en ce temps-là ? « C’est ma mère qui m’a appris le courage », dit Saint Marc.

La République a cherché par tâtonnements successifs à soigner les blessures. Il a fallu du temps pour apaiser les passions. « Mère, voici tes fils qui se sont tant battus. » Saint Marc est gracié au bout de cinq ans. Première amnistie, partielle, du général de Gaulle en 1968. Dès son élection, Valéry Giscard d’Estaing en accorde une nouvelle en 1974. Il promeut Saint Marc commandeur en 1979 ; en 1982, François Mitterrand amnistie les généraux d’Alger. Et en 2002, Jacques Chirac fait Saint Marc grand officier de la Légion d’honneur.

Le temps était venu, cinquante ans après, d’accomplir un geste symbolique et définitif de reconnaissance. Nicolas Sarkozy en a décidé ainsi. Aux Invalides, le grand soldat à béret vert se trouvait parmi ses frères d’armes des dernières générations du feu. Il était l’ancien, « celui qui aide à passer la nuit », puisque les vieux soldats ne meurent jamais.

Le texte de cette chronique est paru dans Le Figaro Magazine du samedi 3 décembre 2011. Elle est reprise ici par son auteur, avec l’aimable autorisation de l’hebdomadaire. Les propos de François d’Orcival n’engagent que lui-même, et non pas l’Académie à laquelle il appartient ni l’Institut de France.

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