Le timbre de la justice

Plus que jamais d’actualité... la chronique de François d’Orcival
François d’ORCIVAL
Avec François d’ORCIVAL
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

Nos magistrats aussi regardent l’Allemagne. Leurs homologues d’outre Rhin sont plus nombreux et mieux payés qu’eux ; leurs institutions judiciaires fonctionnent mieux, avec des crédits plus élevés. Comment faire aussi bien ? La question n’est pas posée par des syndicats de magistrats – mais à l’UMP. Elle l’a été lors d’une convention organisée par la fédération des métiers du droit et de la justice présidée par Bernard Monassier, première étude notariale française, et animée par Jean-Paul Garraud, secrétaire national de l’UMP pour la justice.

On compte 17 000 magistrats allemands contre 7 500 français – en proportion des populations, les Français devraient être 12 750. En Allemagne, les crédits de la justice sont de 13 milliards contre 7,4 milliards en France – où ils se sont pourtant accrus de 20% en cinq ans.

Le fonctionnement de l’institution judiciaire, dont les faits divers les plus atroces soulignent les défauts, est-il seulement une affaire de moyens ? Certes non, bien qu’il ne faille pas s’étonner qu’un juge surchargé ou un expert sous-payé ne rende pas une décision rapide ou une expertise assez solide. Il fallait rationaliser, alléger les coûts de fonctionnement tout en améliorant les conditions de travail – c’est ce que l’on a fait avec la nouvelle carte judiciaire. Mais il y a encore trop d’affaires à traiter.

Nos tribunaux et cours d’appel rendent 2,6 millions de décisions civiles et commerciales, 1,2 million en matière pénale (550 000 si l’on soustrait les amendes), ainsi que 150 000 pour les enfants – dont 77 000 affaires de délinquants mineurs.

L’Etat se trouve pris devant un choix impossible. Il y a de plus en plus d’affaires, et il n’a pas les moyens d’accroître ses crédits. La rationalisation ne suffit pas. Où trouver l’argent manquant ? Me Monassier dit : inspirons- nous des Allemands ; chez eux, le justiciable paie pour l’instance qu’il engage l’équivalent d’un forfait hospitalier (avec son barème et ses exonérations pour les démunis). Jusqu’à présent, cette idée révoltait les Français ; pour eux, seul l’impôt devait payer pour la justice. Mais depuis le 1er octobre, un timbre fiscal (de 35 euros) doit être versé, à l’ouverture de toute instance, couvrant des « frais de dossier ». La hausse de ce timbre serait à la fois dissuasive, pour diminuer le nombre des affaires, et productive de recettes nouvelles. Quand la justice change de modèle…

Le texte de cette chronique est paru dans Le Figaro Magazine du samedi 23 décembre 2011. Elle est reprise ici par son auteur, avec l’aimable autorisation de l’hebdomadaire. Les propos de François d’Orcival n’engagent que lui-même, et non pas l’Académie à laquelle il appartient ni l’Institut de France.

Écoutez les précédentes chroniques de François d'Orcival

Cela peut vous intéresser