"Transsibérien" de Dominique Fernandez, de l’Académie française

Récit de voyage à travers la Russie : "C’était mon rêve de toujours" !
Avec Marianne Durand-Lacaze
journaliste

Entre mai et juin 2010, des écrivains français ont eu l’honneur d’être invités sur le Transsibérien dans le cadre de l’année France-Russie. Dominique Fernandez était du voyage. Il livre à ses lecteurs un récit qui privilégie la rencontre hors les rails réglementaires, le dialogue littéraire au-delà des âges et du temps, pour faire surgir au plus juste une part d’Europe encore prisonnière de nos a priori.

Émission proposée par : Marianne Durand-Lacaze
Référence : pag1050
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Dominique Fernandez aime la Russie, ses habitants et sa culture. Il s’y ressource et confie même que sa confiance en l’humanité renaît quand il y séjourne. Il cherche depuis longtemps à la faire découvrir par ses livres, et invite ses interlocuteurs à s’y rendre. Plusieurs de ses livres parus témoignent de l’intérêt qu’il porte à l’immense pays depuis de nombreuses années : Place Rouge, Le dictionnaire amoureux de la Russie, Avec Tolstoï, La magie blanche de Saint-Pétersbourg et L’âme russe.

Dans cet entretien, il précise :

Tous mes livres sur la Russie servent à combattre l’image négative que les médias nous donnent ici de la Russie. On n'en parle que pour évoquer la mafia, la corruption, la Tchétchénie etc. On ne parle jamais de ce qu’il y a de merveilleux en Russie. C’est scandaleux. L’amour des gens pour la littérature, la poésie, l’opéra, la musique […] Ici c’est la consommation, la vulgarité, le week-end, la bagnole. Tout ça n’existe pas là bas ! Ici on est abreuvé de vulgarité, d’américanisation. Là-bas vous avez des gens qui aiment les choses que moi j’aime.

Dominique Fernandez, 15 avril 2012, Institut de France
© MDL\/ Canal Académie


Cette fois, la Sibérie, présentée dans une méditation qui interroge à la fois le passé, le présent et l’avenir, fait surgir la Russie tout entière à travers les fenêtres du Transsibérien. La Russie est « une » dans sa pleine diversité. S’il connaissait bien la Russie d’Europe, il n’était jamais allé au-delà de l’Oural. Novgorod avait été son escale la plus lointaine dans cette exploration orientale de la Russie. Il en rêvait. Cette invitation à prendre le Transsibérien en compagnie d’autres écrivains français dans le cadre de l’année France-Russie fut une occasion formidable d’aller enfin jusqu’à Vladivostok.

Je ne pensais jamais le faire. C’était mon rêve de toujours. C’est le plus beau voyage que j’ai fait de ma vie. Je n’ai qu’une envie, c’est de refaire ce voyage.

Et si on lui demande pourquoi ? Il répond tout de go, pour la beauté de la nature et pour la culture russe :

Il y a la nature d’une beauté inouïe. C’est indescriptible. Vous faites 1000 km dans la forêt sans rien rencontrer d’humain. Il n’y a pas une maison, pas un homme, pas une route, pas un vélo, pas une voiture. Le lac Baïkal, c’est pareil, un lac au milieu des montagnes, il n' y a pas de choses balnéaires, pas de pédalos, pas de canaux, pas d’hôtels. La seconde chose, c’est la culture. Je ne savais pas mais il y a des villes énormes là-bas. Des villes extraordinaires avec une vie intense. Et puis il y a toute l’histoire, la littérature, la musique, la peinture.

Pour lui, ce voyage est une rencontre avec soi-même, une expérience philosophique. Plus on s’éloigne de Moscou plus on est loin des repères habituels. On est dépossédé de soi. On est dans cette immensité qui vous entoure et vous remplit en même temps.

Au cours du voyage, l’envie de faire partager ses doutes concernant le modèle économique et politique adopté par l'Occident, l’assaille, se demandant si au final on ne s’est pas trompé :

Le communisme était abominable mais ce que l’on leur a proposé en échange n’est guère mieux : le capitalisme. Il y a une oppression par l’argent. Ce modèle est affreux. Il faudra bien faire une autre révolution un jour mais mieux faite. La révolution russe a été dévoyée. Mais à l’origine c’était beau. C’était renverser l’injustice, la misère. Mais le modèle capitaliste que l’on propose… Je suis très choqué.

Il écrit « nous nous sommes trompés de modèle. J’ai envie de leur avouer. »

Oui, il y a eu un malheur communiste mais il y a aussi un malheur capitaliste. D’ailleurs Danielle Sallenave est absolument de mon avis, dit-il dans l’émission.


Dominique Fernandez cerne tout particulièrement dans Transsibérien (paru chez Grasset), un sens du sacrifice, propre à la culture russe selon lui. De l’histoire des premiers fondateurs de la Russie au Moyen Age, à Pierre Le Grand en passant par Tchaïkovski, ou encore par les millions de soldats russes morts pendant la Seconde Guerre mondiale, (que les Russes appellent « la guerre patriotique »), il avance : On pourrait même interpréter le communisme comme un grand sacrifice pour un avenir hypothétique C’est l’idée qu’il faut les meilleurs sacrifices pour faire avancer les choses. Ce n’est pas une idée rationnelle pour nous. Nous, nous voulons que les choses arrivent par le progrès. Là-bas, il faut sacrifier pour aller plus loin. C’est christique comme idée.

La nouvelle de Tolstoï « La tempête de neige » illustre à ses yeux ce sens du sacrifice. Un maître et son cocher au cours d’un voyage à travers la forêt sont surpris par une tempête de neige. Coincés par la nuit et la tempête, les deux hommes s’endorment dans le traîneau bâché. On croit que ce sera le cocher qui va protéger son maître. C’est le contraire. C’est le maître qui se couche sur le cocher et c’est le maître qui va mourir. C’est très beau.

La lecture de ce récit de voyage invite à faire l’expérience du mythique voyage et plonge le lecteur dans une érudition tout en élégance.

Pour en savoir plus

- Dominique Fernandez sur le site de l'Académie française

- D'autres émissions avec Dominique Fernandez sur Canal Académie :
- Réception de Dominique Fernandez sous la Coupole
- L’Italie de Dominique Fernandez de Pise à Naples
- Dominique Fernandez, de l’Académie française : Prestige et Infamie

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