Sarko l’artiste

Plus que jamais d’actualité... la chronique de François d’Orcival de l’Académie des sciences morales et politiques
François d’ORCIVAL
Avec François d’ORCIVAL
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

Sarko-l’Américain ? De l’histoire ancienne. La presse de New York l’envoie au piquet. Le Wall Street Journal, le quotidien des « super riches », l’a méchamment baptisé « Nicolas Le Pen ». Le New York Times, qui lui faisait crédit de sa réforme des retraites et de son offensive en Libye, l’accuse désormais de « défigurer » la société française avec ses diatribes contre la burqa et la viande halal, et de pécher en eaux troubles.

C’est le discours de Villepinte qui a tout déclenché : l’appel à la souveraineté, au contrôle des frontières européennes, au « Buy european ». Ça ne passe pas. Ce qui est assez paradoxal pour des Américains qui pratiquent le serment collectif pour l’adoption de la nationalité, qui ont inventé le « Buy american act » et ont dressé un mur pour se protéger de l’immigration latino-américaine. Voilà en tout cas Sarkozy débarrassé de l’étiquette « américaine » qu’il avait cultivée avec Bush et Obama et qui était devenue encombrante en campagne électorale.

Sarko-le-modèle-allemand ? Affaire classée. Là aussi le discours de Villepinte a fait son effet. La chancelière a confié au Spiegel, l’hebdomadaire de Hambourg, qu’elle était « mal à l’aise » avec les déclarations de Sarkozy sur l’immigration. Elle devait prendre la parole avec lui dans un meeting ; elle y renonce. Sarkozy trouve là une bonne excuse pour ne pas l’avoir à une même tribune. Les Français doivent élire un président, pas une chancelière.

François Hollande était finalement très content de voir les dirigeants européens (Merkel, Cameron, Monti, Rajoy) le « boycotter ». Cela donnait de lui une image d’indépendance alors qu’il était allé chercher partout le soutien de ses camarades socialistes. Que les mêmes qui boycottent Hollande affichent leur soutien à Sarkozy pouvait faire apparaître celui-ci comme le candidat des autres. En France, c’est mal vu.

Le discours de Villepinte aura été ainsi une belle partie de billard : Nicolas Sarkozy a dopé les siens, impressionné les médias, inquiété ses adversaires, et par la bande, il a marqué sa liberté à l’égard des Américains, des Allemands, des Européens. Pas mal joué. Grand reporter à Newsweek, Eric Pape a décrit toutes les raisons pour lesquelles notre film « The Artist » a triomphé : « C’est beau, ça se passe à une époque où les choses étaient en noir et blanc et cela vous permet de goûter à ce qu’il y a de mieux en France, sans avoir à écouter le français… » Ah ! cette exception française !

Le texte de cette chronique est paru dans Le Figaro Magazine du samedi 24 mars 2012. Elle est reprise ici par son auteur, avec l’aimable autorisation de l’hebdomadaire. Les propos de François d’Orcival n’engagent que lui-même, et non pas l’académie à laquelle il appartient ni l’Institut de France.

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