Le commissaire Montebourg

Plus que jamais d’actualité... la chronique de François d’Orcival de l’Académie des sciences morales et politiques
François d’ORCIVAL
Avec François d’ORCIVAL
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

Voici une lettre à classer dans la rubrique « dialogue social ». Elle est adressée par Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, à Philippe Varin, président du groupe PSA, au sujet de la fermeture du site d’Aulnay.

Datée du 28 juin, elle a été rendue publique par son signataire qui veut donc que l’on sache comment, à travers lui, le nouveau gouvernement traite les patrons. « Je vous prie de bien vouloir engager sans délai le dialogue social et d’en faire une arme collective pour affronter vos éventuelles difficultés dans le respect de vos salariés », écrit-il. Notez le ton comminatoire, le silence observé sur les autres parties prenantes du constructeur automobile (clients, fournisseurs, actionnaires). Il poursuit : « Il me serait agréable que vous précisiez rapidement votre méthode de concertation » - au cas où le destinataire n’aurait pas compris. Pour le confirmer, le gouvernement lui envoie un « expert gouvernemental », « afin de dégager un diagnostic précis, rigoureux et partagé sur la situation réelle du groupe PSA » - lire : la gestion actuelle est suspecte et mérite l’examen d’un « commissaire politique » ! Sommes-nous en régime soviétique ? Le même Arnaud Montebourg explique d’autre part qu’il a eu un « entretien houleux » avec les dirigeants de Sanofi parce que ceux-ci préparaient une restructuration tout en étant bénéficiaires.

Il y a tout de même François Chérèque (CFDT) pour le dire : « Peugeot faisait des bénéfices l’année dernière. Aujourd’hui, c’est la catastrophe. On voit bien que la situation d’un jour peut se transformer le lendemain. » Quand General Motors, en quasi faillite, a appelé l’Etat américain à son secours, Obama lui a fait dire : "J’accepte, à la condition que vous fermiez toutes les usines non rentables". En France, c’est l’inverse : si vous restructurez pour prévenir le drame, vous êtes condamné. Et qui Peugeot a-t-il fait entrer à son capital? General Motors, désormais sorti d’affaire.

Plutôt que d’adresser ce genre de lettres à un patron en difficulté, M. Montebourg devrait faire son métier : celui consistant à réformer le cadre légal, social et fiscal, qui permette aux entreprises de se développer. Jeune ministre, il croit avoir tous les pouvoirs ; il n’en a aucun. Alors, il fait de la politique : en tapant sur les patrons, il compte attendrir les syndicats.

Le texte de cette chronique est paru dans Le Figaro Magazine du samedi 13 juillet 2012. Elle est reprise ici par son auteur, avec l’aimable autorisation de l’hebdomadaire. Les propos de François d’Orcival n’engagent que lui-même, et non pas l’académie à laquelle il appartient ni l’Institut de France.

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