Réformer la procédure pénale ?

par Mireille Delmas-Marty, de l’Académie des sciences morales et politiques, professeur au Collège de France
Mireille DELMAS-MARTY
Avec Mireille DELMAS-MARTY
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

Le thème de la Justice, et surtout la réflexion sur la réforme de l’institution, est apparu si important au regard de l’actualité que l’Académie des sciences morales et politiques l’a repris, le temps d’une séance, celle du lundi 25 mai 2009. Mireille Delmas-Marty a présenté, devant ses confrères de l’Académie, une communication intitulée "la phase préparatoire du procès pénal, pourquoi et comment réformer ?".

Entre le moment de l'infraction constatée et son jugement, s'écoule une phase essentielle, le procès, pendant lequel l'affaire est mise en état d'être jugée. Mireille Delmas-Marty s'est longuement interrogée dans cette communication académique sur le rôle du juge d'instruction et sur la répartition des pouvoirs entre le siège et le parquet.

Le texte ci-dessous n'est qu'un bref résumé de cette communication. Nous invitons nos auditeurs et lecteurs à se reporter au texte complet présenté sur le site de l'Académie : asmp.fr http://www.asmp.fr/sommaire.htm


Longtemps, le juge, figure emblématique du procès pénal, a été considéré comme un policier, un personnage puissant, notamment au XIX è siècle. Il y a encore quelques années, il jugeait 40% des affaires pénales. Aujourd'hui, il n'en juge plus que 4 %. Comment en est-on arrivé là ? Pour répondre à cette interrogation, Mireille Delmas-Marty retrace brièvement l'historique et explique ce qui justifie une réforme d'ensemble : parce qu'il y a actuellement confusion des pouvoirs.

Si un début de réforme d'ensemble a été commencé en 2000, celle-ci n'a pas été jusqu'au bout et a été modifiée par d'autres lois peu après.
La réforme d'ensemble reste donc une nécessité, ainsi que le démontre l'oratrice : pourquoi réformer est le premier point de son intervention dans lequel elle établit un constat de la situation actuelle, rappelant que les membres de la Commission Justice Pénale et droits de l'homme (1989-90) qu'elle présidait, avaient déjà établi ce diagnostic il y a près de vingt ans. Elle esquisse de nouveau un diagnostic pour 2009, en droit français et en droit international (lequel a évolué à l'inverse du droit français).

Plusieurs constats s'imposent : l'incompatibilité des fonctions du juge d'instruction n'a été qu'en partie corrigée par la création du juge des libertés et de la détention et le renforcement des droits de la défense ; la confusion des pouvoirs s'est aggravée ; les garanties statutaires du parquet n'ont pas progressé.

Mireille Delmas-Marty a aussi évoqué la politique pénale (qui concerne la nation et relève du gouvernement) et les garanties de carrière (nominations) et de discipline (toujours exercées par le Ministère de la Justice).

Puis, dans la seconde partie de son intervention, elle s'est penchée sur la manière de réformer : les propositions de réforme des années 1990, les conditions d'une réforme en 2008.

Elle a, in fine, expliqué ses conclusions :

En définitive, la réforme d'ensemble est plus que jamais nécessaire mais ce serait une erreur de faire de la suppression du juge d'instruction la mesure phare. Le plus urgent est le rééquilibrage des pouvoirs, qu'il s'agisse de l'équilibre entre "l'exécutif et l'autorité judiciaire" (statut du parquet), de l'équilibre, au sein de l'autorité judiciaire, entre le parquet et le siège (stature du juge), ou enfin de l'équilibre entre la justice et les justiciables (droits de la défense et des victimes).

1) - pour le statut du parquet, il conviendrait de renforcer les garanties d'indépendance et d'impartialité.
2) - pour la stature du juge, il faudrait prévoir les moyens d'un contrôle effectif.
3) - pour les droits de la défense, il faudrait reconnaître de nouvelles prérogatives
4) - pour les droits des victimes, il conviendrait de redonner aux victimes le pouvoir d'ouvrir l'enquête.

Cette réforme ne répond donc pas seulement à un enjeu technique mais également à un enjeu politique.

Notons que cette communication a été suivie des interventions des personnalités suivantes :
- M. Patrick Beau, procureur de la République (TGI d'Amiens)
- M. Christian Charrière-Bournazel, bâtonnier de l'Ordre des avocats à la Cour de Paris
- Mme Christine Giudicelli, vice-présidente chargée de l'instruction (TGI de Paris)
- Mme Geneviève Giudicelli-Delage, professeur à l'Université Paris I.

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