Le Dictionnaire amoureux de la Bible, de Didier Decoin

Les mystères de la Bible enchantent l’écrivain de l’académie Goncourt reçu par Virginia Crespeau
Avec Virginia Crespeau
journaliste

Comment devient-on amoureux de la Bible ? Didier Decoin, écrivain renommé et secrétaire général de l’académie Goncourt, raconte ici son parcours, sa "révélation", les chemins sur lesquels les textes bibliques l’ont entraîné... bref son enchantement ! Cette émission s’inscrit dans une série d’interviews sur la Bible animée par Virginia Crespeau.

Émission proposée par : Virginia Crespeau
Référence : pag831
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Canal Académie reçoit l’auteur du « Dictionnaire amoureux de la Bible» paru chez Plon : Didier Decoin, secrétaire général du Prix Goncourt, scénariste-auteur de romans best-sellers comme « John l’enfer », fils d’Henri Decoin, écrivain, scénariste.

A la question de Virginia Crespeau « La Bible a-t-elle été pour vous l’objet d’une transmission culturelle, cultuelle, familiale ? », notre invité répond :

Didier Decoin, secrétaire général de l’Académie Goncourt


« Au commencement, cela a été une rencontre avec un petit livre car j’allais au catéchisme comme tous les petits garçons sages, à l’époque, et j’avais donc un petit livre qui s’appelait « l’Histoire Sainte ».
Ce n’était pas la Bible mais s’agissait d’histoires contenues dans la Bible ; et pour attirer l’attention des jeunes enfants que nous étions, on avait placé dans cet ouvrage les histoires les plus spectaculaires, les plus héroïques : Moïse écartant les flots de la Mer Rouge, Salomon voulant couper un bébé en deux pour savoir à quelle mère il appartenait, David avec sa petite fronde tuant l’énorme géant Goliath…
Etant déjà un lecteur de livres d’aventures, je trouvais ces récits extraordinaires d’autant plus que l’on me disait qu’il s’agissait d’histoires vraies ; donc je suis tombé dès ce moment-là amoureux de l’Histoire Sainte ; plus tard pendant une certaine période de ma vie, je suis devenu athée -pratiquant et convaincu-, la Bible me servait alors de référence littéraire : lorsque je commençais à écrire, il me fallait lire des textes qui m’inspiraient et qui me servaient de modèles ; la dramaturgie biblique, la façon qu’avaient de raconter des histoires les auteurs bibliques, leur façon de dialoguer, leur humour me servaient de points de références. Et puis, après avoir récupéré ma foi qui s’était égarée quelque part, j’ai enfin découvert le côté spirituellement beau des récits bibliques. »


Conversion ou révélation

Didier Decoin a vécu un moment de révélation, il nous en parle en ces termes : « C’est ce que certains appellent une conversion, mais c’est un mot dangereux parce que cela voudrait sous-entendre que la personne convertie devient d’un coup formidable, mais cela n’est pas vrai du tout… Je préfère donc parler de révélation, une révélation

tellement merveilleuse qu’elle est irracontable… Maurice Clavel était sur son canapé quand "ça" a surgi… On reçoit un choc, moi je suis tombé à genoux sur le carrelage de ma chambre… Frossard, lui dans son église n’est pas tombé, Claudel non plus, mais c’est une sorte de coup de poing ; on est, au sens propre, bousculé, secoué… ; mais encore une fois le mot de converti est discutable car le converti est quelqu’un de très bien tandis que notre club des « révélés » n’est pas constitués de saints, loin s’en faut…

Une aventure nomade

Didier Decoin a écrit en quatrième de couverture de son « Dictionnaire amoureux de la Bible » paru chez Plon : « Cette aventure amoureuse et nomade m’a entrainé en Terre Sainte, chez les imprimeurs de ghetto de Venise, dans les champs de coton de la Bible Belte à Babylone, sur les pans du mont Ararat, chez les Amish, dans les grottes de Qumrân, sur les traces des chasseurs d’Eden qui traquent sans relâche le paradis perdu d’Adam et Eve ; mes étoiles pendant tout ce temps de travail et de recherches ont été toutes ces Bibles dont la vie m’a permis de tourner les pages : la Bible des pauvres, la Bible du Diable, la Bible paysanne, la Bible de Voltaire, la Bible d’argent, la Bible de Marcel Carné, la Bible Low Cost, la Bible du dernier des Mohicans, la Bible de l’Homme noir qui affirme que de Moïse à Jésus, tous les personnages bibliques étaient noirs, sans oublier la Bible des Gédéon, et enfin la bouleversante Bible vitrail que Chagall fit en mémoire d’une jeune-fille noyée…"


« Je suis convaincu – nous a confié Didier Decoin– que la Bible n’est pas un livre d’Histoire. C’est un livre qui avait une autre fonction, extrêmement belle : lorsque Nabuchodonosor envahit le petit royaume de Judas, et qu’il emmène le peuple d’Israël en captivité à Babylone, qu’il détruit le temple de Salomon : c’est tout un peuple qui est déporté.
Quand ces Hébreux se retrouvent à Babylone, très loin de chez eux, ils sont désespérés ; il est dit dans le psaume qu’au bord du fleuve, ils se sont assis, et ils ont pleuré… Et leurs élites qui étaient là avec eux se sont dit « On ne peut pas laisser un peuple entier tomber dans un si grand désespoir, il nous faut leur donner une raison de se relever"… Et l’idée leur est venue de leur dire : Vous avez eu un Dieu formidable qui a aidé vos ancêtres, on va vous raconter ce que ce Dieu a fait pour eux.
C’est ainsi que commence l’invention d’imagination de légendes extraordinaires telles que le Déluge, l’histoire de la Mer Rouge qui s’écarte pour laisser passer les armées de Pharaon, les trompettes de Jéricho qui font s’effondrer les murailles etc. Ces légendes étaient destinées à dire à ce peuple en captivité : « Ce que ce Dieu tout puissant a fait pour vos Pères hier, il le fera pour vous demain, donc ayez confiance, ne pleurez pas, redressez-vous, regardez l’avenir avec confiance… » Au départ, c’est un ouvrage thérapeutique, un grand médicament, une sorte de magnifique pansement sur la blessure d’un peuple qui hurle de douleur…"



Didier Decoin, auteur des livres : Abraham de Brooklyn, John l’Enfer, Il fait Dieu, Jésus le Dieu qui riait, Est-ce ainsi que les femmes meurent ?

Mais bien évidemment personne ne peut prétendre que ces histoires-là soient vraies ; les archéologues ont démontré qu’il n’y a pas eu d’écroulement des murailles à Jéricho…L’idée est encore plus belle que le fait, continue d'expliquer notre invité : "La grande différence entre l’Ancien et le Nouveau Testament, entre la Bible hébraïque et l’univers de Jésus Christ, c’est que la première est utilitaire ; sa rédaction a été entreprise pour sauver un peuple de la désespérance et elle est là pour nous sauver nous et nous raconter ce que nous sommes et ce qui nous attend. Tous les deux renferment une révélation de l’espérance, en nous disant que ce Dieu est là, qu’il nous aime, qu’il connait même chacun d’entre nous par son prénom, qu’il nous a été fidèle et qu’il nous est fidèle, c’est un message très important. Mais dans le Nouveau Testament, il y a le fabuleux message apporté par Jésus-Christ qui est : Je promets à chacun d’entre vous, une éternité de bonheur".


Et Didier Decoin, pour résumer sa pensée, termine ainsi : "Ce n’est pas de la mythologie, la Bible, c’est quelque chose d’unique : il y a les légendes et une utilisation des légendes mais il y a aussi dans la Bible, une vérité que nous ne connaissons pas ; c’est cela qui est fascinant : se dire qu’il y a un langage caché, un monde crypté… Qui l’a caché, qui le révèlera, et à quoi cela sert-il ? Pour moi qui ai gardé mon âme d’enfant, savoir que la Bible est et reste un mystère, m’enchante. Quand mes enfants étaient tout petits, je ne pouvais leur expliquer comment marcher un sous-marin nucléaire… Nous en sommes, nous, à ce stade-là et je trouve merveilleux de constater que nous ne sommes pas encore équipés pour cette connaissance-là, et de me dire qu’effectivement il y a une connaissance quelque part qui vole au-dessus de nous et qui nous dépasse et qu’on connaîtra un jour… »

Autres interviews sur la Bible :

- La Bible de Jérusalem, vingt siècles d’art présentée par Isabelle Saint-Martin
- La Bible pour tous ? Pour les Nuls et à l’UNESCO... regards croisés d'Eric Denimal et Bernard Coyault


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