Qui a peur du peuple ? une chronique de François d’Orcival

Les minorités peuvent être démenties... par le journaliste, de l’Académie des sciences morales et politiques
François d’ORCIVAL
Avec François d’ORCIVAL
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

Que le peuple ne donne pas raison aux groupes de pression minoritaires, deux votes viennent d’en donner un bel exemple : en Suisse et aux Etats-Unis dans l’Etat de Washington. François d’Orcival reprend ici, au micro de Canal Académie, la chronique qu’il donne, le samedi, dans Le Figaro Magazine.

Le texte de cette chronique est paru dans Le Figaro Magazine du samedi 4 décembre 2010. Elle est reprise ici par son auteur, avec l’aimable autorisation de l’hebdomadaire.

Les lobbies, groupes de pression et minorités variées sont plus à l’aise avec un gouvernement, des collectivités et des élus qu’avec le peuple.

En France, à l’exception du général de Gaulle, on se défie du référendum. Le sociologue « tocquevillien » Raymond Boudon le dit dans un excellent rapport de la Fondation pour l’innovation politique : « Ce qui menace les démocraties, et la démocratie française plus que d’autres, c’est la tyrannie des minorités plus que la tyrannie de la majorité. »

Ce démenti des minorités, les Suisses et les Américains viennent de nous en fournir deux beaux exemples.

- En Suisse, les électeurs devaient se prononcer, l’autre dimanche, sur une initiative populaire présentée par un parti de la droite dure, l’UDC, reprenant l’idée de la « double peine » pour les délinquants étrangers : le renvoi dans leur pays d’origine non seulement des criminels et autres trafiquants mais aussi des individus condamnés pour fraude aux prestations sociales. La gauche helvétique était contre ; les « élites » aussi. Les partis de gouvernement avaient donc proposé un projet alternatif édulcoré. Les électeurs suisses ont approuvé l’initiative « populiste » et rejeté l’autre. A 54%.

- Aux Etats-Unis, un vote tout aussi exemplaire a eu lieu le 2 novembre 2010, jour des élections générales, dans l’Etat de Washington (nord-ouest du pays). Les électeurs de cet Etat à majorité de gauche (Barack Obama y avait obtenu 58% des voix en 2008) étaient appelés à approuver une « initiative » visant à taxer les plus hauts revenus. « Imposer les 1% les plus riches, c’est normal et moral », disait la propagande. Le projet de loi était soutenu par une intense campagne de la famille Bill Gates, père et fils (Microsoft). Malgré cela, le texte a été repoussé. Argument: « Aujourd’hui on taxe les riches ; demain ce sera notre tour ; on dissuade les investisseurs, on perdra des emplois. » Le « non » l’a emporté par 65% des voix.

En France, le référendum d’initiative populaire a été inscrit, en 2008, dans l’article 11 de la Constitution. Il attendait, pour entrer en application, une loi organique. Le 24 novembre 2010, le Premier Ministre a annoncé la présentation de cette loi pour les semaines à venir. Mais avant d’aller devant le peuple, tout projet devra être soutenu, au moins, par 184 députés et sénateurs et 4,5 millions de signatures… Les élites, entre guillemets, se méfient encore.

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