Dix années d’épreuves pendant la Révolution

Les mémoires de Charles de Lacretelle, de l’Académie française, commentés par sa descendante, Anne de Lacretelle
Avec Laëtitia de Witt
journaliste

En 1842, Charles de Lacretelle, journaliste-historien élu à l’Académie française en 1811, publie ses mémoires sur la Révolution. Ce texte est republié aujourd’hui. Anne de Lacretelle nous le présente dans cette émission. A ses côtés, découvrons un homme sensible qui a combattu les excès de la Révolution et défendu la monarchie parlementaire avec fougue.

Émission proposée par : Laëtitia de Witt
Référence : hist650
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- Charles de Lacretelle naît à Metz en 1766. Après des études classiques, reçu avocat, il pense s’engager à l’instar de son père et de son frère aîné, dans la carrière juridique. En 1787, il gagne Paris où il bénéficie du soutien de son frère, avocat bien introduit dans les cercles politiques et intellectuels. Grand lecteur de Voltaire, Charles s’enflamme pour les idées nouvelles. Il a la chance, par l’intermédiaire de son frère, de suivre de loin les projets de réforme du roi et finit par participer à la rédaction de L’Encyclopédie méthodique. En 1789, il entre au Journal des débats pour relater les séances de la Constituante. Il suit les premiers événements révolutionnaires avec passion. Partisan d’une monarchie constitutionnelle (parlementaire), il est vite inquiet par les excès qui s’annoncent.


- En 1791, il fait partie des monarchistes modérés du club des Feuillants. S’ouvre alors une parenthèse dans son parcours. Il devient en effet secrétaire du duc de La Rochefoucault-Liancourt, gentilhomme issu de la grande noblesse éclairée et réformatrice, qui entend moderniser le royaume dans son fonctionnement politique et économique. En 1792, le duc de Liancourt se met au service du roi pour lui proposer une ultime tentative d’évasion. Elle se solde par un échec. Charles de Lacretelle qui a participé au projet est consterné. Il l’est encore plus en août, lors de la chute de la monarchie. Pour lui, c’est le commencement des « épreuves ». Bouleversé par les massacres de septembre, il doit faire face à un quotidien difficile : sans ressources, recherché… Au cours des deux années suivantes, il est d’abord professeur de la fille d’un obscur libraire avant de trouver refuge dans l’armée. Il regagne Paris après la chute de Robespierre et revient sur la scène politique. Très vite déçu par la politique thermidorienne, il participe à l’insurrection royaliste de septembre 1795 contre la Convention. L’échec le range à nouveau du côté des proscrits. Il se fait oublier pendant quelques temps avant de reprendre sa carrière journalistique dans les Nouvelles politiques nationales et étrangères. En 1797, il participe aux élections aux côtés des royalistes. Leur succès électoral inquiète le Directoire qui invalide les élections et poursuit les députés et journalistes royalistes. Charles de Lacretelle est sur la liste. Cette fois-ci, il est arrêté et mis en prison. Son sort est toutefois quelque peu adouci par l’intervention de deux de ses amies, Madame Tallien et Madame de Staël. Il peut recevoir et surtout écrire. Il se voit même confier la mission de continuer à écrire le Précis historique de la Révolution Française commencé par un pasteur guillotiné en 1794. En août 1799, Lacretelle est libéré.

- L’arrivée au pouvoir de Bonaparte lui apparaît comme une libération. Même s’il se montre critique à son égard, il lui reconnaît l’énorme qualité de clôturer l’épisode révolutionnaire. Sous le Consulat, il retrouve sa place au Journal des débats. En 1800, il est nommé censeur de la presse. En même temps que sa carrière journalistique, il poursuit une carrière d’historien. En 1809, il est nommé professeur d’histoire à la Sorbonne. En 1811, il est élu à l’Académie française. Le retour de la monarchie avec Louis XVIII comble ses vœux. Il défend alors avec fougue le nouveau régime. En 1822, il est anobli et devient le comte Charles de Lacretelle. À la mort de Louis XVIII, il prend ses distances à l’égard de la politique menée par Charles X. Il ne croit pas en son ultracisme. Les années 1830 seront celles de sa retraite à Maçon. Jusqu’à sa mort en 1855, il restera un observateur discret de la vie politique.

Présentation de l'éditeur

En 1857, lorsque François Guizot évoque devant l’Académie française Charles de Lacretelle (1766-1855), historien de la Révolution décédé deux ans plus tôt, il le salue comme « l’interprète fidèle des sentiments, des honnêtes gens […], le représentant de la conscience publique dans les temps qu’il retrace ». Par ces quelques mots, l’ancien ministre de Louis-Philippe brosse le portrait d’un homme qui a combattu comme lui les excès de la Révolution et défendu la monarchie parlementaire à la française. Ce qui frappe immédiatement à la lecture de ces Mémoires, c’est leur titre : Dix années d’épreuves pendant la Révolution. Il résume à lui tout seul la haine que Lacretelle porte à la Révolution, celle d’un homme déçu qui avait cru en une Révolution émancipatrice. Lacretelle a la volonté de poursuivre son combat contre les fauteurs de trouble, de montrer à tous l’inutilité de la Révolution et surtout sa dangerosité. Ces Mémoires résonnent comme un appel à la lutte contre la démesure révolutionnaire. Il insiste sur le rôle des modérés, qui souhaitaient une révolution limitée et qui se sont trouvés écartelés entre les différentes tendances lorsque la violence verbale s’est transformée en violence politique et physique. Lacretelle est, au début des années 1840, le seul historien de la Révolution à avoir vécu les événements. Il raconte donc son histoire de la Révolution et son histoire pendant la Révolution, en particulier ses deux ans d’emprisonnement pour sympathie royaliste. Il s’y montre modeste, sympathique, mais également volontaire et toujours très anti-révolutionnaire. En se mettant lui-même en scène, il redonne vie aux grands tumultes politiques et à tous les acteurs, les bourreaux comme les victimes, avec, comme point nodal, la Terreur, dominée par Robespierre, le monstre par excellence.

Notre Invitée

Descendante de Charles de Lacretelle et fille de l'académicien Jacques de Lacretelle, Anne de Lacretelle a mené les opérations phares de la BNP-Paribas dans le domaine du mécénat. En outre, elle est l'auteur de plusieurs ouvrages dont La comtesse d'Albany, éditions du Rocher.

Retrouvez les émissions de Laetitia de Witt dans notre rubrique Un jour dans l'histoire.

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