Même les Suisses…

Toujours d’actualité... la chronique de François d’Orcival de l’Académie des sciences morales et politiques
François d’ORCIVAL
Avec François d’ORCIVAL
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

On savait nos voisins allemands sceptiques sur nos réformes (au point de voir le magazine Bild nous prédire un avenir à la grecque) ; on savait aussi les Anglais méfiants sur nos prétentions de redressement ( The Economist nous présente comme une bombe à retardement au cœur de l’Europe). On oubliait les Suisses. Même eux s’y mettent – dans un dossier de l’Agefi (agence économique et financière) de Genève, et ils ont de bonnes raisons de le faire : « La France, disent-ils, a détruit 750 000 emplois en dix ans. La Suisse en a créé 500 000 (en bonne partie assumés par des immigrés, expatriés et frontaliers français). »

Les Suisses sont huit fois moins nombreux que nous (8 millions contre 64) mais ils produisent deux fois plus de richesses par habitant. Ils vendent même trois fois plus que nous, toujours par tête, sur les marchés extérieurs. Et pas seulement du chocolat et des montres !

Leur industrie (chimie, pharmacie, machine-outil, électricité) emploie près de 23% de la population active. Une comparaison sidérante, celle de quelques balances commerciales de nos deux pays : les Français ont un déficit de 24 milliards d’euros dans leurs échanges avec les Chinois ; les Suisses un excédent de 6 milliards ; les Français ont un déficit de 6,2 milliards avec les Américains, les Suisses un excédent de 10 ; les Français un déficit de 7 milliards avec les Russes, les Suisses un excédent de 2… Heureusement, ils nous achètent pour 1 milliard de plus que ce qu’ils nous vendent ! « Nous soutenons l’industrie française ! » ironisent-ils. Ils subissent la crise et la mondialisation comme nous, et pourtant leur taux de croissance est le triple du nôtre (2,2%), leur taux de chômage trois fois inférieur (3,1%) – sans parler de leur endettement (35% de leur Pib contre 90% pour nous).

Ils sont ainsi premiers au classement mondial de la compétitivité (nous ne sommes que 21e) ; et l’université technologique de Zurich se classe 23e au palmarès de Shanghai, quatorze places devant la première française (Paris-Sud Saclay, 37e). La clé de ce succès ? Un vote l’a illustré en mars dernier : les syndicats avaient pu soumettre à référendum la question de savoir si les Suisses voulaient dix jours de congés en plus. Ils en ont vingt et travaillent 42,2 heures par semaine. Ils ont répondu non à 67%. Tout le reste découle de cet état d’esprit.

Le texte de cette chronique est paru dans Le Figaro Magazine du samedi 30 novembre 2012. Elle est reprise ici par son auteur, avec l’aimable autorisation de l’hebdomadaire. Les propos de François d’Orcival n’engagent que lui-même, et non pas l’académie à laquelle il appartient ni l’Institut de France.

François d’Orcival

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