Le Roman de la Rose par Michel Zink

Un monument littéraire présenté par le secrétaire perpétuel de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, professeur au Collège de France
Avec Marianne Durand-Lacaze
journaliste

Le Roman de la Rose, écrit en français, est né deux fois, vers 1230 la première, puis entre 1269 et 1278 pour la deuxième. Il est représentatif d’une première culture humaniste qui est parvenue jusqu’au XXIe siècle : une postérité rare qui en fait un document patrimonial. En quoi est-il comparable à La Divine Comédie de Dante ? L’art d’aimer à l’époque médiévale expliqué par Michel Zink, spécialiste de la littérature pastourelle.

Émission proposée par : Marianne Durand-Lacaze
Référence : pag1149
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Le texte est attribué à deux auteurs. Le premier Guillaume de Lorris nous a légué un poème de 4000 vers parlant d’amour courtois ou de l’art d’aimer, inachevé : l'un des exemples les plus accomplis de la tradition courtoise. Le nom de l'auteur nous est connu par la seule mention qu'en fait son successeur Jean de Meun. On situe ainsi la continuation du Roman de la Rose entre 1269 et 1278, et par déduction la date du premier poème comme l'indique Armand Strubel dans l'édition du roman aux Éditions Le livre de poche, collection Lettres gothiques.


Le second Jean de Meun, poursuit et achève le roman 40 ans plus tard. Il ajoute des références savantes de son temps sur tous les domaines de la vie mêlant les deux textes en un. Ironique et satirique à l’égard de la société de son temps et même du texte de Guillaume de Lorris. Il y introduit tout un développement nominaliste qui se rattache à la grande querelle des universaux qui évolue au Moyen Âge.


Michel Zink présente dans cette émission le récit du Roman de la Rose qui commence ainsi « Ce est li Romanz de la rose ou l’art d’amours est toute en close. »
Le narrateur raconte comment entré en rêve dans le jardin où réside le dieu d’Amour, il y tomba amoureux d’un bouton de rose, il est accueilli par une série de personnifications dont les unes préfigurent les avancées, les autres les reculs de l’Aimée, dénommée Oiseuse.
Ainsi il y a Largesse, Jeunesse, Beauté et d'autres d'un côté, figures positives qui délivrent des conseils à l’amant pour conquérir la rose.
De l'autre, des figures hostiles à l’amour, inacceptables dans l’univers de la courtoisie : Convoitise, Envie, Vieillesse, Jalousie, Papelardie (l’hypocrisie religieuse).

Il s'agit donc d'une initiation à l'amour et au désir dont le sujet est un jeune homme de vingt ans à la fois narrateur et personnage rêvé. Le poème de 21 000 vers au total s’achève sur la cueillette de la rose, métaphorique mais sans ambiguïtés.

Comment lire aujourd’hui Le Roman de la Rose ? Peut-on le dire d’actualité ? Que raconte-il ? Que nous a-t-il légué ? Est-ce seulement le récit d’une initiation amoureuse ? Un modèle initiatique sur l’art d’aimer ? À qui s’adressait-il ? Comment se différencient les textes des deux auteurs, Guillaume de Lorris et Jean de Meun ? Pourquoi et comment le lisait-on à l’époque ? Comment expliquer son succès ? Quelle vision du mariage révèle-t-il ? Voici quelques-unes des questions auxquelles Michel Zink répond dans cette émission.


Michel Zink, Secrétaire perpétuel de l’Académie des inscriptions et belles-lettres
© Brigitte Eymann\/Académie des inscriptions et belles-lettres




Au XIVe siècle Le roman de la Rose donne lieu à la première querelle littéraire. Oiseuse, l’amante, la Rose est présentée sous un jour à la fois favorable et défavorable. L'image négative de la femme par l'ecclésiastique Jean de Meun a profondément choqué Christine de Pisan (1364-1430) au Moyen Âge, première femme à avoir adopté le métier d'homme de lettres à la mort de son mari, se retrouvant veuve et mère de trois enfants. Elle se lança dans l'écriture pour en vivre. Poétesse et philosophe reconnue, elle appartient à la fois au monde savant et à celui des courtisans. Elle engagea parallèlement à son œuvre un véritable combat intellectuel contre la misogynie du roman et polémiqua avec Jean de Montreuil (1354-1418). Elle reçut le soutien d'un autre homme d'Église, lui aussi philosophe, Jean de Gerson (1364-1429) dont elle était assez proche sur le plan des idées. Considérée comme une des premières féministes par ses écrits et sa vision politique, elle a laissé une œuvre prolifique recouvrant la poésie, l'histoire, la politique, la philosophie et les sciences. Elle reste la première à s'être attaquée à la représentation des femmes dans la littérature. Dans Le Roman de la Rose, le Jaloux bat sa femme si elle lui a été infidèle. L'infidélité des épouses est en effet condamnée et celle des hommes autorisée.


Pour en savoir plus


Michel Zink a été élu membre l’Académie des inscriptions et belles-lettres en juin 2000. Il en est le Secrétaire perpétuel depuis 2011. Philologue et médiéviste, il est spécialiste de la littérature de la France médiévale aux XIIe, XIIIe et XIVe siècles c'est-à-dire de poésie lyrique, en particulier pastourelle ; de romans, notamment ceux de Chrétien de Troyes et de Rutebeuf. La littérature religieuse et d’historiographie (sermons en langue romane, contes) constitue son deuxième objet d’étude.


Professeur au Collège de France depuis 1994, il occupe la chaire de littérature de la France médiévale.


En rapport avec le sujet de cette émission, rappelons qu’il est l’auteur de Roman rose et rose rouge. Le Roman de la Rose ou de Guillaume de Dole de Jean Renart, paru en 1979; de plusieurs Histoires de littérature française médiévale. Signalons aussi L’Art d’aimer au Moyen Âge (en collaboration avec M. Cazenave, D. Poirion et A. Strubel), paru en 1997.

Parmi ses derniers ouvrages :
- Moyen Âge et Renaissance au Collège de France (un ensemble de conférences et de leçons inaugurales du Collège de France), dont il a dirigé la publication, 2009.
- Livres anciens, lectures vivantes, sous la direction de Michel Zink Paris, Odile Jacob – Collège de France, 2010.



Aujourd'hui le site internet Roman de la rose.org met à disposition des chercheurs plus de la moitié des manuscrits du Roman de la Rose, existants à travers le monde, grâce à la Fondation Mellon.


Sous la direction de Nathalie Coilly et Marie-Hélène Tesnière, Le Roman de la rose ; L'art d'aimer au Moyen Âge est le catalogue publié à l'occasion de l'exposition « Le Roman de la rose, l'art d'aimer au Moyen Âge », présentée par la Bibliothèque nationale de France à la bibliothèque de l'Arsenal, du 6 novembre 2012 au 17 février 2013.
















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