Cerfs, chevreuils, sangliers : un équilibre savant face à la régénération naturelle des forêts

avec François Klein, de l’ONCFS à la direction des études et recherches des cervidés-sanglier

L’équilibre sylvo-cynégétique est un équilibre savant à combiner entre les populations d’animaux et les habitats forestiers. Sont concernés, les cerfs, les sangliers, les chamois ou encore les chevreuils, des espèces sauvages qui permettent la régénération naturelle et durable de la forêt mais qui au-delà d’un certain seuil provoque l’inverse. Au cours de cette émission en coproduction avec l’ONCFS, François Klein nous détaille les difficultés à maintenir un fragile équilibre entre ces animaux sauvages, la régénération des forêts et l’exploitation qui en est faite par l’homme.

Le métier de François Klein consiste à trouver les indicateurs permettant de caractériser l’équilibre entre les forêts et la faune sauvage, élément qui varie beaucoup rapidement sur le plan local. Si la population d’ongulés augmente, les essences de plantes habituellement consommées diminuent, voire même disparaissent.

Mais notre invité préfère utiliser le terme de « compromis » plutôt que d’équilibre : « un compromis entre le responsable forestier, le chasseur et l’agriculteur, conditionné parallèlement par le climat et le milieu ». Car les espèces végétales qui préoccupent les hommes sont avant tout celles économiquement importantes.

Difficile de donner des effectifs précis de cerfs, chevreuils et autres sangliers. Seule certitude, « les ongulés ont explosé en 40 ans en France avec des coefficients multiplicateur allant de 3 à 10 selon les espèces. Nous sommes aux environs de 500 000 chevreuils aujourd’hui en France avec une progression constante même si on a observé une stagnation dans les années 2000. Même chose pour les cerfs. On en prélève en France un peu plus de 50 000 par an aujourd’hui, contre 10 000 dans les années 1970 ». Quant aux sangliers, les chasseurs en prélèvent désormais 500 000 par an.

Chevreuils
© Pierre Matzke


Pour expliquer cette explosion démographique, il fait revenir quelques années en arrière. Après la Seconde guerre mondiale, le nombre d’ongulés baisse considérablement, pour des raisons évidentes de pression de chasse très forte. En 1963, il est décidé de mettre sur pied un plan de chasse, avec des périodes de chasse spécifique et surtout des autorisations de prélèvement par arrêté préfectoral et avec la mise en place de système de bague.
« Dans les années 1960-1970, le plan de chasse a eu un effet très positif car il a limité les prélèvements et les populations ont augmenté rapidement. Une autre mesure à consisté à capturer un certain nombre d’individus pour les réintroduire dans des espaces où ils avaient disparus. C’est le cas des cerfs pour lesquels la moitié d’entre eux sont issus d’une réintroduction dans le Sud de la France » rappelle le chercheur. Mais aujourd’hui, ce même plan de chasse doit permettre de juguler ces populations qui se sont considérablement développées.

Cerf
© Pierre Matzke

« A l’ONCFS d’imaginer les bonnes mesures » nous dit François Klein, mais pas évident à mettre en œuvre dans un climat souvent conflictuel entre les chasseurs et les agriculteurs. « Les chasseurs ont la responsabilité de maintenir ces populations sauvages comme un patrimoine, mais qui cause des dégâts pour les agriculteurs et forestiers. Le préfet cherche un équilibre entre les deux parties, mais c’est une paix sociale, pas une solution technique » poursuit-il.
Outre la régulation par la main de l’homme, les espèces animales s’auto-régulent aussi, mais dans un temps plus long. C’est l’objet des recherches menées en commun entre l’ONCFS et le CNRS, sur la dynamique de ces populations sauvages. Au delà d’un certain seuil de population, la nourriture se raréfie et affecte tout à la fois la reproduction et la survie. « Dans certains cas, le manque de nourriture peut affecter le poids d’un tiers. La fécondité va ralentir et la survie aussi. La population, affaiblie, devient également plus sensible aux épidémies. C’est ce qu’on appelle le phénomène de « densité - dépendance » ». Si les jeunes chevreuils prélevés sont en dessous des courbes habituelles, c’est un indicateur de densité forte. Si par ailleurs la consommation d’espèce végétale est très affectée, c’est un deuxième signe. « Nous préconisons une gestion adaptative de ce type, basée sur le suivi de relevé que nous appelons « indicateur de changement écologique » ».

Bouquetin
© Christine Saint-Andrieux

Si des mesures au jour le jour peuvent être réalisées pour connaître en temps réel les dynamiques de population des ongulés, peut-on envisager une gestion à plus long terme, sur plusieurs années ? Difficile de répondre, car à tous les facteurs évoqués en amont doivent être ajouté celui du changement climatique. « Les événements exceptionnels du type canicule ou tempêtes seront à l’avenir beaucoup plus fréquents. Les canicules ont déjà affecté les populations de chevreuils en 2003 et 2005. La question que l’on se pose, c’est de savoir si le monde de la chasse pourra stabiliser les populations de demain. Car la dynamique de population de ces animaux est beaucoup plus forte qu’on ne le pense. Mais encore une fois, les problèmes se posent localement ». Le cerf est en effet absent dans 50% de nos forêts françaises, mais là où il est présent, il est en surnombre dans 10 à 15% des cas. Même chose pour le sanglier, espèce explosive qui se multiplie très rapidement et occasionne beaucoup de dégâts. « Seules 3 à 5% des communes sont actuellement fortement impactées par la présence du sanglier ».

Sanglier
© Pierre Matzke

François Klein est chef de projet à l’ONCFS à la direction des études et recherches sur les sangliers et les cervidés.

- Cette émission est coproduite par Canal Académie et l'ONCFS à l’occasion du quarantième anniversaire de l’Etablissement public.

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Particularité culturelle française indiscutable, la trompe de chasse bénéficie d’une image prestigieuse qui dépasse les seules frontières cynégétiques et rayonne à travers l’ensemble du patrimoine national.
En 1985, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) créait sa propre formation de sonneurs, rejoignant ainsi la Garde Républicaine et l’Office National des Forêts, seules institutions à posséder une formation de sonneurs. Constitué d’agents de l’établissement en poste dans les services déconcentrés, le groupe des Sonneurs de l’ONCFS est régulièrement associé aux cérémonies du monde cynégétique comme aux événements qui rythment la vie de l’établissement public. A l’occasion du quarantième anniversaire de l’ONCFS, Jean-Pierre Poly, Directeur général, a proposé aux sonneurs de réaliser leur premier enregistrement. Le résultat, un répertoire musical riche et varié, composé de quarante-quatre fanfares, intitulé : Les échos de la chasse et de la faune sauvage. Pièces traditionnelles et inédites se succèdent tout au long de ce disque, qu’il s’agisse d’airs de chasse ou de fantaisie. Un bel hommage rendu à la trompe de vénerie par des sonneurs passionnés, destiné aux connaisseurs comme aux amateurs.


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