En débat : la dépénalisation du cannabis et l'ouverture de salles de shoot

Deux membres de l’Académie nationale de médecine expliquent leur avis défavorable

Doit-on dépénaliser le cannabis ? Cette question de société est revenue au cœur de l’actualité. Canal Académies reçoit Michel Huguier, ancien conseiller technique au cabinet de Simone Veil, alors ministre de la Santé et Jean-Paul Tillement, pharmacologue, pour évoquer cette problématique. Tous deux membres de l’Académie nationale de médecine, ils élargissent le débat au projet d’ouverture des salles d’injections pour toxicomanes, dites "salles de shoot". Ils n’y sont pas favorables et donnent ici leurs arguments.

Les jeunes français sont les premiers consommateurs de cannabis en Europe
© Canal Académie

Pour Michel Huguier, chirurgien, membre de l’Académie nationale de médecine, ancien conseiller technique au cabinet de Simone Veil, alors ministre de la Santé, la dépénalisation du cannabis serait «une incohérence dans un objectif général qui est la santé publique.» Dans cet entretien, l'académicien soulève la contradiction qu'il y aurait à dépénaliser le cannabis d'un côté, alors que l'on cherche à lutter contre le tabagisme d'un autre. «Prendre des mesures, qui au gré de l'opinion publique, vont à l'encontre d'un esprit de prévention individuelle» lui semble être incohérent. Une incohérence que souligne également Jean- Paul Tillement, professeur émérite de pharmacologie à la faculté de médecine de Créteil (Paris XII), membre de l’Académie de pharmacie et membre de l’Académie nationale de médecine. Pour lui , cette étape de la dépénalisation du cannabis pourrait accélérer le passage à la consommation d'autres drogues: «Quand on interroge les toxicomanes, les drogués par injection, sur la raison qui les a amenés à l'injection, ils sont tous passés par une première étape qui inclut l'alcool, le cannabis et le tabac. Aujourd'hui l'alcool, le tabac sont malheureusement en ventre quasi-libre, si en plus on y ajoute le cannabis, cela ne fera qu'ouvrir la porte aux salles de shoot.»

Les salles de shoot, voilà justement un autre sujet de préoccupation pour les deux académiciens.
Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé, a exprimé sa volonté d’ouvrir des salles d’injections pour toxicomanes, à titre expérimental, dans des villes comme Paris, Marseille et Toulouse. Une initiative que combat ardemment Jean-Paul Tillement, pour au moins deux raisons : «Quel médecin peut aujourd'hui accepter la responsabilité d'une injection en intraveineuse d'une solution non-stérilisée ? Injecter une solution non-identifiée et non stérilisée me paraît être une aberration ; j'ai appris à mes étudiants, pendant 40 ans, absolument l'inverse. » De plus, il craint des dérives sur la composition de la substance de départ amenée par les toxicomanes, dans laquelle on peut trouver des substances toxiques. Sa vision à long terme des salles de shoot s'avère, alors, alarmante: «ce que je crains c'est que connaissant l'industrie extrêmement florissante des drogues de synthèse, demain ces salles de shoot deviennent des bancs d'essai des nouvelles drogues qui seront payées par la société pour le plus grand bénéfice des fabricants.»


Michel Huguier, quant à lui, balaie l'argument de l'existence de salles de shoot dans d'autres pays européens depuis de nombreuses années :
«Les salles de shoot sont fermées progressivement en Suisse, au Danemark. Les Hollandais reviennent sur l'ouverture des bars à cannabis ; donc faire appel aux exemples européens est un mauvais argument , il faudrait faire appel à ces exemples jusqu'au bout pour constater que tous reviennent en arrière, après des expériences dont il faudrait tirer profit.»
A ce titre, Jean-Paul Tillement rappelle qu'il existe déjà actuellement, de nombreuses structures, dont beaucoup de bénévoles, mobiles ou fixes, très actives qui réalisent l'accueil, le traitement et la prise en charge des toxicomanes injecteurs ou non injecteurs. Il regrette qu'ils soient «étrangement oubliés dans le débat.»

Soulevant d'une même voix «les conséquences neurologiques et comportementales qui mettent en jeu la sécurité d'autrui», les deux intervenants appellent à ouvrir le débat pour proposer d'autres solutions face aux problèmes de la drogue en France, un pays qui possède un triste record : celui du plus grand nombre de jeunes consommateurs de cannabis en Europe (Enquête publiée en juin 2012 par l'Observatoire européen des drogues et de la Toxicomanie (OEDT). Vous trouverez le volet de cette enquête concernant la France en bas de cette page.).





Jean-Paul Tillement et Michel Huguier, tous deux membres de l’Académie nationale de médecine
DR Clement Moutiez






- Consultez le blog DrogAddiction.com, tenu par le professeur Jean-Paul Tillement, sur lequel vous trouverez de nombreux renseignements et témoignages sur l'usage des drogues.

- Consultez la fiche de Michel Huguier sur le site de l'Académie nationale de médecine :



- Consultez la fiche de Jean-Paul tillement sur le site de l'Académie nationale de médecine :

- Ecoutez d'autres émissions sur le thème de la drogue sur Canal Académie :

- Drogues : les salles de shoot " un très mauvais signal pour la jeunesse "
- Drogues et alcool au travail : mettre l’accent sur le dépistage et la prévention.
- Drogues et recherche d’identité
- Tabac, alcool, cannabis, que faire ?









Cela peut vous intéresser