L’espoir d’un modèle tunisien. Une chronique de François d’Orcival

de l’Académie des sciences morales et politiques
François d’ORCIVAL
Avec François d’ORCIVAL
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

L’académicien évoque à nouveau la Tunisie, examinant les bases sur lesquels un nouveau régime va devoir s’édifier. François d’Orcival reprend ici, au micro de Canal Académie, la chronique qu’il donne, le samedi, dans Le Figaro Magazine.

Le régime Ben Ali est tombé victime de lui-même. Non pas en trois semaines, mais en deux heures : quand certains chefs militaires ont jugé qu’il avait trop tiré sur la foule à balles réelles et qu’il avait trop tiré de chèques sur le patrimoine du pays. C’est pourtant bien à partir des bases laissées par ce régime que les Tunisiens devront construire leur avenir aux prochaines élections.

Ces bases : une démographie stabilisée, des femmes aux libertés inscrites dans la culture et la Constitution, une alphabétisation très élevée, des générations nombreuses de jeunes diplômés, une économie de marché développée, où travaillent tous les grands groupes français. La Tunisie va-t-elle donc conserver ou reconquérir la stabilité qui a fait le succès de son modèle de développement ?

Autour d’elle, les régimes républicains sont tous bâtis sur des présidences autoritaires, appuyées sur deux colonnes : le parti et l’armée. En Algérie, le président Bouteflika est au pouvoir depuis bientôt douze ans après avoir été ministre pendant trente-six ans ; en Libye, le colonel Kadhafi gouverne depuis quarante et un ans ; en Egypte, c’est le président Moubarak, depuis trente ans ; en Syrie, la République est incarnée par la famille el-Assad, de père (Hafez) en fils (Bachir) depuis quarante et un ans…
Deux régimes échappent à ce « modèle » : la Turquie et la Palestine. Le premier a du sa longévité au fait d’avoir été construit par Atatürk « à l’ombre des épées » - mais l’armée a laissé passer le parti islamique du premier ministre Erdogan, qui gouverne sans opposition réelle, et le pays a radicalement changé de stratégie régionale, en devenant anti-israélien. Quant aux Palestiniens, dont l’Etat est en construction, on sait ce qui est arrivé à son gouvernement, à l’issue d’élections répétées : il a éclaté entre le parti du président (Mahmoud Abbas) à Ramallah et le Hamas islamiste à Gaza…

Ben Ali avait verrouillé les entrées de l’islamisme en Tunisie. Les Tunisiens continuent de se dresser, au moins en public, contre sa résurgence, de même qu’ils se sont mobilisés contre le chaos. Mais de deux choses l’une : ou bien des futures élections (contrôlées par qui ?) naîtra un pouvoir durable, fondement d’un « modèle », ou bien elles feront apparaître des fractures. C’est à travers celles-ci que s’infiltreront les islamistes. Lesquels se réfèrent déjà à l’exemple Erdogan…




Le texte de cette chronique est paru dans Le Figaro Magazine du samedi 22 janvier 2011. Elle est reprise ici par son auteur, avec l’aimable autorisation de l’hebdomadaire.

Écoutez la première chronique sur la Tunisie : Tempête sur la Tunisie. Une chronique de François d’Orcival

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